Milli mála - 2015, Page 127
IMPARFAIT AND STEREOTYPES
Milli mála 7/2015
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quʼune phrase isolée à lʼimparfait est ininterprétable, alors quʼil suffit
de mettre le verbe au passé composé pour quʼelle adopte un sens :
4) « Jean achetait des fruits » : « Jean a acheté des fruits »
Pour expliquer ce manque dʼautonomie, on considère en général
lʼimparfait comme non-déictique et anaphorique, en ce sens quʼil
nʼindique pas lui-même de référence temporelle dont un destinataire
se servirait pour découvrir les conditions de vérité de lʼénoncé, mais
renvoie à une référence temporelle du contexte ou du cotexte. Anne-
Marie Berthonneau et Georges Kleiber font remarquer que la seule
présence dʼun circonstant temporel ne suffit pas non plus pour justi-
fier lʼimparfait dans une phrase isolée, pour laquelle on ne dispose
dʼaucune autre information que celles données par la phrase :
5) « Hier, Jean déménageait »
La phrase reste out of the blue ce qui prouve que lʼantécédent dont
lʼimparfait a besoin nʼest pas, ou pas seulement, un moment du pas-
sé mais une situation22.
Je voudrais montrer que cette impression dʼinterprétation incom-
plète, ou dʼimpossibilité dʼinterprétation, est générée par la faiblesse
relative des effets cognitifs procurés par un énoncé à lʼimparfait,
conséquence du processus spécifique de contextualisation quʼil im-
pose. Pour nous rendre compte de cette influence de lʼimparfait sur
lʼinterprétation, reprenons le dialogue entre Julie et Paul, mais imagi-
nons cette fois que Julie commence sa réponse avec une phrase à
lʼimparfait :
6a) Paul : « Qu´est-ce que tu as fait hier soir ? »
6b) Julie : « Hier soir, jʼétais fatiguée. Je me suis couchée tôt. »
Imaginons que Paul ne soit pas sûr en interprétant la première phra-
se, quelle RS Julie veut lui communiquer. Il en infère donc plusieurs,
22 Voir Berthonneau et Kleiber, « Pour une nouvelle approche de l’imparfait.
L’imparfait, un temps anaphorique méronomique », p. 67.