Milli mála - 2015, Page 138
FRANÇOIS HEENEN
Milli mála 7/2015
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Les deux versions mettent en évidence la même conclusion, que
lʼhomme et la femme ne se reverront plus, ou peut-être que lʼhomme
part en guerre en désespoir de cause, parce que la femme le rejette.
Ce sont en tout cas des interprétations qui viennent naturellement à
lʼesprit quand on n’a pas connaissance dʼun contexte plus détaillé
de lʼhistoire. Lʼeffet « imparfait de clôture » tient du fait quʼen plus de
clôturer la scène, cʼest-à-dire de joindre les événements, décrits par
les deux phrases, en un seul, on imagine des détails sur lʼaction de
la seconde, en lʼoccurrence on infère les hypothèses « il va se bat-
tre », « il va peut-être mourir » qui sont des représentations stéréoty-
pées de lʼaction « partir pour la guerre »37.
Lʼimparfait dans des exemples de ce type invite le destinataire à
un parcours dʼinterprétation plus coûteux quʼil nʼaurait fait si le ver-
be avait été au passé simple. Le locuteur sait que pour rentabiliser cet
effort cognitif, le destinataire va se représenter, non pas uniquement
la RS qui se synthétise avec le contexte des phrases précédentes,
mais aussi dʼautres hypothèses qui suggèrent une suite à la situation
décrite.
11. Conclusions
Lʼhypothèse que jʼai défendue dans cet exposé part du même prin-
cipe que celui posé par les chercheurs de lʼécole de Genève, à sa-
voir que lʼimparfait communique une instruction concernant le pro-
cessus dʼinterprétation de lʼénoncé qui le contient. Mais lʼinstruction
telle que je la définis porte sur la forme propositionnelle de lʼénoncé
et non sur un constituant de sa forme logique, comme les cher-
cheurs genevois le concoivent. Selon moi, cette instruction est de fai-
re des implications synthétiques (appelées dans cet exposé „représen-
tations stéréotypées“ = RS) sur base de la forme propositionnelle de
lʼénoncé et dʼune ou plusieurs hypothèses encyclopédiques atta-
chées au concept de lʼaction exprimée par le verbe à lʼimparfait. Le
terme « vision stéréotypée de lʼaction » désigne lʼensemble des RS
37 Cette idée que lʼimparfait joint les éléments des deux phrases en un, rejoint la
notion de « cohésion discursive de lʼimparfait » dʼAnne-Marie Berthonneau et
Georges Kleiber; ibid. p. 159.