Milli mála - 2015, Blaðsíða 200
DIDON ET ÉNÉE DANS LE SEIZIÈME SIÈCLE FRANÇAIS
Milli mála 7/2015
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La traduction d’Hélisenne de Crenne de l’Énéide est dédiée à
François Ier, ce roi emblématique de la Renaissance française, dit « le
Père et Restaurateur des Lettres »27. C’est en fait le seul de ses livres à
comporter une dédicace : la traductrice aspirait sans doute, en don-
nant sa version de l’Énéide, cette épopée « nationale », se retrouver à
l’intérieur du cercle culturel qui se formait autour du roi.
Avant de citer et de discuter quelques passages précis, nous
mentionnerons quelques différences d’ordre général entre la version
de l’Énéide de Crenne et le texte source.
4. La version crennoise de l’Énéide
La page de titre précise que, dans la version de Crenne de l’Énéide,
des « propos » ont été ajoutés, servant d’explication et de décoration :
« à la traduction desquelz [des quatre premiers livres ; S.E., B.M.K.] y
a pluralité de propos, qui par manière de phrase y sont adjoustez :
ce qu[i] beaucoup sert à l’elucidation & decoration desdictz Livres »28.
Le sens du mot « phrase » n’est pas tout à fait clair dans ce contexte.
Marshall identifie ces « phrases » comme les courts textes résumant le
contenu du chapitre à venir29. Nous pensons pour notre part que les
« phrases » mentionnées à la page de titre pourraient désigner égale-
ment d’autres ajouts faits dans le texte de Crenne par rapport au texte
source. Ce terme pourrait entre autres faire allusion aux commentai-
res et explications ajoutés en marge du texte, la glose marginale, ou
manchette, introduisant pour la plupart le lecteur aux croyances du
monde antique. Scollen-Jimack30 évoque à cet endroit trois interpréta-
çons qui m’ont donné la faculté de lire ce qui me tombe sous les yeux, d’écrire
ce qu’il me plaît, que celles où j’apprenais de force les courses errantes de je ne
sais quel Enée, oublieux de mes propres erreurs, et gémissant sur la mort de Di-
don, qui se tue par amour, quand je n’avais pas une larme pour déplorer, ô mon
Dieu, ô ma vie, cette mort de mon âme que ces jeux emportaient loin de vous. »
Voir Œuvres complètes de Saint Augustin, trad. par Augustin d’Hippone, texte
établi par Poujoulat et Raulx, Bar-le-Duc : Guérin & Cie, 1864. Disponible sur le
lien suivant : http://fr.wikisource.org/wiki/Les_Confessions_(Augustin)/Livre_-
premier.
27 Voir p. ex. Louis-Pierre Anquetil, Précis de l’histoire universelle ou tableau histori-
que, Paris : Lesguilliez frères, 1799, tome septième, p. 290.
28 Hélisenne de Crenne, Les Quatre premiers livres des Eneydes, page de titre.
29 Sharon Marshall, The Aeneid and the Illusory Authoress, p. 78.
30 Christine M. Scollen-Jimack, « Hélisenne de Crenne, Octovien de Saint-Gelais and
Virgil », Studi Francesi XXVI/1982, pp. 197-210, ici p. 201.