Islande-France - 01.10.1949, Blaðsíða 5
ISLANDE - FRANCE
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nous; nous devons donc dés aujourd-
’hui nous cotiser pour cette publica-
tion. Ils avaient cotisé, versant exac-
tement la somme pour laquelle ils
avaient été taxés. En 1899, Péguy
ayant décidé de commencer la pu-
blication des Cahiers, leur demanda
un nouvel effort de cotisation et de
propagande, et ainsi rassembla le
capital initial gráce auquel fut ou-
verte cette boutique qui fermera ses
portes quinze ans plus tard, le 3
Aout 1914. Alors il la ferma lui-méme
comme il pouvait le faire avec bonne
conscience, car il avait dressé son
oeuvre et il partait pour les com-
bats ou il allait mourir.
Le groupe des abonnés fut bien-
tót rassemblé: ils étaient mille. En
1914, ils seront encore mille, formant
cette milice entétée dont Péguy par-
lera toujours avec un tendre orgueil,
comme Napoléon de ses grognards.
Elle méritait un éloge. Cet éloge,
fixons-le tout entier sur le plus il-
lustre de ceux qui la formérent, Ro-
main Rolland. Péguy avait géné-
reusement édité ses premiéres oeuv-
res, drames historiques demeurés
sans succés. Avec son Jean Chris-
tophe, son Beethoven, le succés lui
vint, immense; les éditeurs s’em-
pressaient autour de lui. Mais jamais
il n’en voulut d’autre que Péguy
pour ses premiers tirages. En 1905,
s’élevérent entre lui et Péguy des dis-
sentiments qui jusqu’en 1914 ne ces-
seront de s’aggraver. Mais Rolland,
plagant la fraternité spirituelle bien
au-dessus des écarts d’orientation,
n’en tint nul compte. Privé de cette
fidélité, Péguy aurait-il pu tenir bon
CHARLE5 PÉGUY
dans son bastion des Cahiers? Ce
n’est pas súr.
De ce bastion ou il vivait retran-
ché, Péguy lancait des pamphlets
contre les socialistes marxistes,
contre les dogmatiques universitai-
res. Mais ces pamphlets n’étaient
que des rencontres épisodiques, des
sorties effectuées par un homme en-
fermé qui veut se donner de l’air.
S’il vivait ainsi retranché, c’était
pour se ménager un espace oú il
fút libre de construire l’oeuvre á
laquelle il se savait destiné.
Cette oeuvre, aucun des amis de
1899 n’avait eu soupgon de ce qu’elle
pourrait étre. Péguy, lui-méme, le
savait-il? “II ne faut jamais savoir
le matin oú on couchera le soir”.
disait-il. Ses amis avaient répondu
á son appel, súrs qu’avec lui l’aven-
ture mériterait d’étre courue. Et
quand commencérent de paraitre
les soubassements de l’oeuvre incon-