Islande-France - 01.10.1949, Qupperneq 4
ISLANDE - FRANCK
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^aniel ^Jrale'uy :
Poiir le centenáiirv
des Cnhiers tle in tfninsnine
iJELLES publica-
tions sont illus-
tres par les for-
mes de pensée et
de goút qui se
sont durablement
sxprimées en elles;
telles autres par
les écoles littérai-
DANIEL HALÉVY res qui ont flori
par elles. Les
Cahiers de la Quinzaine, tout autres,
sont l’émanation d’un homme, par
lui et ses amis destinés á étre d’abord
l’instrument d’un homme, Charles
Péguy, fondateur et gérant.
Né peuple, orphelin élevé par sa
mére rempailleuse de chaises. Char-
les Péguy avait été dans ses dix ans
remarqué par ses maítres. Pensionné
par l’Etat, il était entré en 1896 á
l’Ecole Normale Supérieure, sémi-
naire des hauts fonctionnaires de
l’Université. Dés lors, il avait, selon
l’appréciation commune, carriére
faite.
Mais il n’était pas homme á s’ac-
commoder d’une carriére toute faite;
il était, au contraire, de ceux aux-
quels agrée la marche contre le vent,
la nage á contre-courant. A contre
courant il créera ses Cahiers.
Entré á l’Ecole, clðture alors sé-
vére, il y respira mal et bientót se
mit en congé. 11 y rentra pourtant
mais n’y demeura pas. A quelques
mois des examens finaux qui lui
assureraient un avenir officiel, il
avisa le directeur de son départ dé-
finitif. Celui-ci s’étonna: „Qu’allez-
vous faire? Et la réponse: “Me ma-
rier”. Le Directeur leva les bras au
ciel: “Comment ferez-vous vivre
votre femme?”. La réponse: “Je vais
ouvrir une boutique; je vendrai mes
livres et ceux de mes amis”. C’était
folie, les cadets comme les ainés le
lui dirent. 11 s’engagea pourtant dans
la folle entreprise aujourd’hui fixée,
glorifiée dans l’histoire des lettres
franqaises: c’est l’entreprise de ces
Caliiers de la Quinzaine, dont les
élites du monde officiel, aprés cin-
quante années de réflexion, nous in-
vitent á eommémorer la naissance.
* *
*
Mes amis: ces mots, venus sous
notre plume, sont essentiels. Les Ca-
hiers de la Quinzaine ont été, en Pé-
guy, un acte de volonté créatrice et,
tout ensemble, un acte de foi dans le
dévouement des amis. Péguy exer-
cait sur ceux qui l’approchaient une
singuliére puissance. Ce qu’il leur di-
sait de faire, ils le faisaient; ce qu’il
leur demandait, ils le donnaient. Or,
depuis quelques années déjá, il les
avait prévenus: avoir un jour une
publication qui soit entiérement á