Islande-France - 01.11.1947, Page 25

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ISLANDE - FRANCE 23 tait marié avec nne Danoise, petite fille d’un émigré francjais arrivé á Copenhague en 1807. Ma grand-mére aurait bien voulu enseigner le fran- (,'ais á ses enfants, mais son mari, trés germanophile, ne l’avait pas per- mis. Ma mére le regrettait beaucoup, car, á Reykjavik, sa maison était á cóté de celle du consul de France, chez qui elle était regue ainsi que chez la comtesse Trampe, femme du gouverneur d’Islan^Ie: en été, les of- ficiers de marine frangais fréquen- taient beaucoup ces deux maisons. A cettc époquc,, ce n’étaient pas de petits avisos, mais d’assez gros croi- seurs qui surveillaient la grande flotte des goélettes hretonnes qui péchaieut la morue prés de nos cótes. Depuis ma plus tendre enfance, ma mére me parlait de sa mére et de sa famille frangaise, ce qui m’in- téressait beaucoup, alors que ces ré- cits laissaient indifférents mes fréres et soeurs. Pourquoi? C’est que, pe- tite fille, je voyais, par la fenétre oii je m’installais pour observer, beau- coup d’officiers de marine frangais, mais aussi beaucoup de ces braves Bretons qui, chez eux portérent le nom de “pécheurs d’Islande”; c’est que, vis-á-vis de notre maison, sé- parées d’clle seulement par une pe- tite place, se trouvaient deux mai- sons de planches goudronnées ap- partenant au gouvernement frangais. Les mousses et les jeunes gens jou- aient sur la petite place. Les jeux m’intéressaient beaucoup, et les jou- eui’s encore plus. Toute petite que j’étais, je voyais pourtant hien qu’ils appartenaient á une autre race que la mienne. La pauvreté de leur ac- coutrement attirait mon attention: ils avaient souvent les ])ie<Is nus dans leurs sabots (chaussures inconnues en Islande), des mouchoirs bariolés autour du cou, des pantalons et des blouses tellement usés qu’il étail dif- ficile d’en distinguer la couleur d’ori- gine, farcis qu’ils étaient de ces pié- ces multicolores que les honnes bi’e- tonnes avaient mises sur les coudes, les genoux et les fonds dc culotte. J’en étais émerveillée et lcs trouvais hien pittoresques. Avec cela cette jeunesse était gaie, parlait beaucoup et vite en riant tout le temps. Je m’épris tellement de leur babillage, qu’ici on appelait “le frangais”, mais qui était probablement du breton, que je n’avais pas atte.int l’áge de raison lorsque je déclarai vouloir ap- prendre cette langue et aller en France. Tout le sang francais qui était dans les veines de ma mére semblait maintenant couler dans les miennes, car mes fréres et soeurs n’ont jamais ressenti les mémes dé- sirs. Plus tard, un frére adoptif com- menga de m’initier á la connaissance du fraiiQais. II avait plus de bonne volonté que de savoir. De plus, un jour, le pauvre bachelier “in spe” eut la mauvaise idée de me dire qu’il mc fallait payer ses legons en l’em- hrassant; je fus assez irrévérencieuse pour répondre que je ne le ferais pas á moins qu’il ne me dise comment on appelait Qa en franyais; il ne le savait pas, mais pour ue pas perdre sou prestige, il déclara impertubable- ment “osculer, du latin osculare” ...

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