Islande-France - 01.11.1947, Side 27
ISLANDE - FRANCE
25
mal. Par la suite, je n’ai jamais su
comment j’avais réussi á rassembler
mes bagages, á trouver une voilure
et á expliqueí au cocher que j’allais
á la gare de Vincennes prendre lc
train pour Nogent; mais enfin, j’y
réussis ct j’arrivai á l’Ecole Main-
tenon.
L’Ecole Maintenon était une jolie
villa dans un jardin charmant. Tout
le monde se préparait á partir en
vacances; la directrice, Madame
Paris, était trés occupée et je fus
spécialement confiée aux soins de
Madame Lecocq, maitresse de musi-
que; cettc personne, d’un certain
áge, avait l’air trés aimable et se
donnait ijeaucoup de peine pour me
flatter et me faire plaisir. Un jour,
elle me dit qu’cllc allait á Paris et
qu’elle se ferait un plaisir d’effectuer
pour moi quelques achats si je lc
désirais; j’avais justement envie
d’un joli chapeau; je lui expliquai
ce que je voulais et, sans me défier,
je pris devant elle de l’argent que
j’avais dans un petit coffre, pour le
lui remettre; pour me faciliter ines
opérations financiéres au début de
mon séjour en France, mon pére
m’avait remis en effet, en piéces d’or,
plusieurs rouleaux de cent francs.
Quelqucs jours plus tard, elle m’
acheta aussi dc. la musique de piano;
cette fois-lá, je remarquai, en ou-
vrant mon coffret qu’il y régnait un
certain désordre; en vérifiant mon
trésor, je constatai que tous les rou-
leaux avaient été ouverts et qu’il
mariquait á chacun une piéce d’or;
c’était une perte considérable pour
nioi; j’éprouvais surtout une grande
honte d’étre obligéc d’avouer á mon
pére quc je n’avais pas su bien veil-
ler sur mon argent. Le soir, je fis
part dc ma découverte á Madamc
Lecocíf en lui demandant de faire
vite le nécessaire pour trouver le
coupable. Elle l'ut visiblement trou-
l)lée et déclara que pour lc moment
on ne pouvait pas grand-chose,
puisque la directrice était absente
(elle venait de partir pour Londres).
Dans mon désarroi, je ne voulais
pas attendre et j’exigeai qu’elle allát
avec moi, dés lc lendemain, chez
le commissaire de police. Elle me
supplia en pleurant de ne rien faire
et de ne rien dire de ce vol pour
lc moment; elle risquait de perdre
sa situation et elle ne savait ou
aller; j’eus pitié d’elle et je lui
promis de patienter jusqu’au retour
de la directrice.
Lorsque celle-ci vint me dire bon-
jour, elle savait déjá toute l’histoire
et en était trés mécontente: lc plus
curieux, c’est qu’elle s’en prit á moi,
comme si j’étais la coupable et non
pas la victime. Elle prornit cependant
de faire son possible pour éclaircir
l’affaire; mais quand je parlai du
commissaire de police, elle parut
trés cboquée et mc dit que ce serait
alors un désastre pour son institii-
tion .... Deux jours plus tard,
comme rien n’était découvert et que
j’insistais toujours, clle me déclara
que le lendemain, elle enverrait
Madame Lecocq avec moi á Joinville
(il n’y avait pas de commissariat á
Nogent) pour que jc pusse faire ma
déclaration.
Je partis assez déprimée, mais je