Le Pourquoi pas - 2012, Blaðsíða 8

Le Pourquoi pas - 2012, Blaðsíða 8
Le soleil et la tranquillité de cette journée dominicale n’empêchent pas Vigdís Finnbogadóttir de passer d’une interview à l’autre et de recevoir des appels du monde entier. Elégante, elle laisse entrouverte la porte de sa bibliothèque d’où l’on peut distinguer des cen- taines de beaux livres, avant d’apparaître dans son spa- cieux salon lumineux. Entre un piano sur lequel sont posés partitions, poèmes de Rimbaud, et quelques- tableaux, cette femme ra- conte son pays, l’Islande. Pays qu’elle a gouverné et qu’elle continue de suivre avec amour. En quoi a consisté votre édu- cation entre l´Islande et l´ étranger ? J’ai commencé par étudier à l’universté de Grenoble. Je suis de la génération de la propédeutique et c’était dur! Cela servait à limiter l’entrée à l’université. Il y avait trente étudiants sur cent cinquante admis par an à l’université de Grenoble. On passait un exa- men au printemps. Autour de moi il y avait des étudiants qui s’évanouissaient! Si vous allez dans les chapelles autour de Grenoble vous verrez des « merci pour la propédeu- tique » sur les murs. Quand j’ai passé le concours, j’ai fini vingt-neuvième sur trente, je n’oublierai jamais! J’étais tel- lement heureuse de ne pas être le numéro trente-et-un. Je suis ensuite allée à Paris où j’ai fait des études littéraires et je suis tombée amoureuse du théâtre. A l’époque, le théâtre de l’Avant-Garde envahissait Pa- ris. Il y avait Beckett, Ionesco, ils étaient tous là et encore vivants ! Vous les avez rencontrés ? Non pas personnellement, je n’étais qu’une étudiante. C’était typique de l’époque d’après guerre de faire de l'art en réaction à ce qui venait de se dérouler. Le théâtre de l’ab- surde était l’écho de l’absurdité de cette guerre 1939-1945 avec tous ces morts et la cruauté en Allemagne, celle des nazis. Il y avait une créativité artistique extraordinaire. Toutes mes études littéraires étaient fondées sur le théâtre. J’ai découvert que les études universitaires à la Sorbonne étaient très en retard, voilà pourquoi à la révolution de 1968 il n’y avait pas de place, pas de bâtiment, nous étions assis par terre, dans les esca- liers et nous n’avions pas en- core créé l’histoire du théâtre. C’est pourtant une histoire extraordinaire qui commence au Moyen-Age quand les gens ne comprenaient pas le Latin dans les églises. Ils ont pris l’Evangile et l’ont mis dans des wagons sur la place. Le ciel était au milieu, l’Enfer à droite et la vie à gauche pour que les gens comprennent ce qui se passait dans l’Evangile. J’ai quitté Paris pour Copen- hague afin d’y étudier l’his- toire du théâtre. Je me suis ma- riée puis, une fois séparés, je suis rentrée en Islande pour fi- nir mes études à l’université de Reykjavík. J’étudiais l’anglais, la littérature anglaise, le fran- çais, la littérature française et le théâtre. J’ai eu formellement le droit d’enseigner le français qui était bien meilleur que ce qu’il est aujourd’hui! Peu de temps après être rentrée à Reykjavík, j’ai créé un théâtre expérimental. Il n’y avait pas de théâtre à l’époque à Reykjavík ? Si, il y avait le théâtre natio- nal islandais et le théâtre de la ville de Reykjavík. Mais je voulais insuffler mon savoir aux gens, ce que j’avais appris sur le théâtre. J’ai bien fait car au bout de quelques années, on m'a proposé la direction du théâtre de la ville (Borgar- leikhús), place que j’ai occupé fait pendant huit ans. Le pre- mier janvier 1980, le président d’Islande - Kristján Eldjárn- annonce qu’il ne se représen- tera pas à la suite de la journée de grève des femmes du 27 octobre 1975. C’était extraor- dinaire cette journée, ça c’était de l’Histoire! Que s’est-il passé ce 27 octobre 1975 ? En 1975, je suis directrice du théâtre de la ville et l’Organisa- tion des Nations Unies -ONU- décide de consacrer cette an- née «Année internationale de la femme» et de faire du huit mars la journée internatio- nale de la femme afin d’attirer l’attention sur les femmes dans le tiers-monde. Les femmes islandaises étaient très mécon- tentes à l’époque, elles étaient déjà en train de s’éveiller en réalisant qu’elles n’avaient pas de place dans le Parlement. Elles étaient sur les listes, tra- vaillaient pour les partis mais étaient toujours sixième ou huitième sur ces listes et ne servaient qu’à encourager les hommes à entrer au Parlement. Elles ont entendu que l’ONU avait créé cette journée et ont décidé de faire grève. Elles ont voulu prouver que les femmes sont les piliers de la société autant que les hommes. Cela devait être un secret! Tout le monde pensait que personne n’était au courant mais, en fait, tout le monde le savait, même les hommes. Ils ont dû l’accep- ter. Personne ne se doutait que cela prendrait une telle impor- tance. Toutes les femmes du pays, dans les usines, sont al- lées voir leur patron pour leur demander si elles pouvaient retrouver leurs amies dans l’après-midi pour chanter, faire des discours. Ils ont tous répondu oui car s’ils disaient non, ils avaient peur d’être jugés par ceux qui avaient acceptés. Résultat : la moitié de la nation était dans la rue, des milliers de femmes se sont retrouvées! L’évènement a été pris avec beaucoup d’humour. A la radio, on entendait que les journalistes masculins avaient emmené leurs enfants à la crèche. Ils ont téléphoné « Nous vous prions de vous présenter à la présidentielle et nous vous assurons que nous vous supportons de tout cœur. » No8 Société / Rencontre Vigdís Finnboga- dóttir, première présidente au monde élue démocratique- ment, a gouverné l’Islande entre 1980 et 1996 et reste toujours très engagée pour l’égalité des sexes et des êtres humains en général. Vigdís, l'amie des Islandais

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