Le Pourquoi pas - 2012, Side 21
Kirkjubæjarklaustur, dans
le sud de l'Islande, est le seul
point de civilisation entre
Vik et Höfn. Ce village à la
riche histoire est une oasis
entre un désert de lave et
l’immensité du Vatnajökull.
Son évolution est caractéris-
tique de celle de l’Islande,
c’est le récit d’une transition
entre agriculture et écono-
mie liée au tourisme.
Kirkjubæjarklaustur est ce vil-
lage qui a fait la une des jour-
naux télévisés il y a un an. Le
21 mai 2011, le Grímsvötn, un
volcan se situant sous la calotte
glaciaire du Vatnajökull entre
en éruption. Cette éruption
provoque un fort nuage de cen-
dres et l’émoi des médias inter-
nationaux. L’Eyjafjallajökull
est encore dans toutes les
mémoires. De nombreux vols
internationaux sont annulés
mais le trafic aérien en Islande
n’est presque pas perturbé. Des
journalistes du monde entier
sont dépêchés dans cette com-
mune de près de 160 âmes,
principale victime du volcan.
A Kirkjubæjarklaustur, les
envoyés spéciaux français se
sont révélés impuissants face à
la nomenclature islandaise. Il
faut décomposer ce long nom
pour pouvoir le prononcer et,
également, obtenir des clés de
l’histoire de cette bourgade.
Kirkju signifie église, bæjar
ferme et klaustur couvent.
C’est donc la « ferme-église
du couvent ». Ses habitants le
dénomment plus simplement
Klaustur.
Comme son nom l’indique,
l’histoire de ce village est
étroitement liée à la chrétienté.
Ses premiers habitants étaient
des moines irlandais qui y pas-
saient leurs étés en ermite, nous
sommes là au IXème avant
l’arrivée des premiers colons
norvégiens. La localité a en-
suite vu s’installer un couvent
de Bénédictines ainsi qu’un
monastère de moines un peu
plus au sud. Les membres de
ces communautés religieuses
communiquaient souvent par
des chants. Quand les nonnes
remarquaient que leurs frères
rentraient au monastère, elles
s’installaient dans la grotte
des chants (Sönghellir) pour
accueillir les moines. Depuis
lors, cette grotte a conservé ce
nom. Cette présence religieuse
est la source de nombreuses
légendes locales. Par exemple,
l’imposante roche à l’entrée
du village quand on arrive de
Vik, est en fait le promontoire
des sœurs ou Systrastapi. Elle
marque l’endroit où deux non-
nes ont été exécutées et enter-
rées après avoir été accusées
d’avoir couché avec le diable.
Une des roches qui surplombe
l’église est aussi la conséquence
d’une punition divine. La tra-
dition voulait que les terres
de Kirkjubæjarklaustur ne
puissent recevoir de païen.
Un non chrétien tenta de s’y
installer… et fut transformé
en rocher. Un des événements
majeurs de la vie de ce village
est l’éruption du Laki voisin,
en 1783. Là encore, la religion
a joué un grand rôle, selon la
tradition. Lorsque la coulée de
lave s’est approchée des fermes
et de l’église du village, le pas-
teur Jón Steingrímsson, per-
suadé que cette menace était
le signe de la faiblesse de ses
ouailles, regroupa ses fidèles
dans l’église et prononça un
sermon devenu célèbre : le ser-
mon du feu. Par ses paroles, il
mit un terme à l’avancée de la
rivière de feu.
Kirkjubæjarklaustur est une
étape. Que l’on vienne de l’est
ou de l’ouest, c’est le seul point
de civilisation entre Vik et
Höfn. Une étape, mais aussi
une oasis entre le désert noir
d’Eldhraun - la plus grande
coulée de lave jamais enreg-
istrée au monde à la suite de
l’éruption du Laki– et son
plus imposant glacier, le Vat-
najökull. Le village offre à
sa communauté - Kirkjubæ-
jarklaustur appartient au re-
groupement de commune de
Skaftárhreppur- tous les ser-
vices possibles : une école, un
centre médical, une maison de
retraite, des cafés, une supé-
rette et des hôtels. Ses princi-
paux centres d’activités sont
l’agriculture et la maçonnerie.
Deux compagnies dans le bâti-
ment officient sur toute l’île.
Cependant, l’agriculture reste
un sujet d’inquiétude. Offi-
ciellement, il y a deux fermiers
sur la commune, mais, tout en
demeurant l’activité majeure
du district, elle devient vieil-
lissante. Les fermiers sont de
plus en plus âgés et le renou-
vellement demeure faible.
L’installation dans la com-
mune de cinq jeunes diplômés
de l’école agronome est donc
accueillie avec grand espoir
par ses habitants.
L’avenir de cette région réside
également dans le tourisme.
Le nombre de possibilités
d’hébergement entre le camp-
ing et les trois hôtels en sont
une preuve, le développement
d’actions et d’activités dans
cette direction aussi. Par ex-
emple, un chantier de fouilles
a été mis en place pour excaver
les ruines du couvent des Béné-
dictines. La nouvelle chapelle
se trouve sur le même emplace-
ment. Il ne faut pas oublier
les randonnées commentées
qui sont proposées avec des
approches géologique, histo-
rique ou botanique. Kirkjubæ-
jarklaustur est également le
point de départ pour découvrir
le Laki et sa vallée lunaire, le
Landmannalaugar et Fjalla-
bak. Des excursions en bus ou
en 4x4 sont organisées tous
les jours au départ de Klaus-
tur ainsi que des ballades en
quad sur les immenses plages
de sable noir où de nombreux
navires se sont échoués, parmi
lesquels des bateaux de pêche
français. Leurs restes, ces vé-
ritables dons de la mer, ont été
en partie utilisés par les habit-
ants pour construire des bâti-
ments. Le village offre aussi
l’étrange formation volcan-
ique Kirkjugólf : un tapis de
colonnes basaltiques aplanies.
La culture et la diffusion sci-
entifique représentent deux
domaines en plein essor dans
la région. Trois grands projets
sont en cours de développe-
ment sur la commune : le pre-
mier concerne le célèbre pein-
tre islandais Erró. Ce dernier a
passé toute son enfance ici. Ses
premiers coups de pinceaux
ont eu lieu dans un ancien
hangar de l’armée, transformé
en atelier dont on peut aper-
cevoir les décombres depuis la
route circulaire numéro 1. La
famille du peintre et ses ad-
mirateurs ont voulu l’honorer
en lui créant un musée. La
première pierre sera posée cet
été par le peintre lui-même
qui habite dans sa maison
d’enfance quand il ne vit pas
en France. Le deuxième projet
est le géoparc du Katla. Cet or-
ganisme né en 2011 fédère les
communautés situées entre
l’Eyjafjallajökull et le Vatna-
jökull autour de la recherche
géologique et botanique, entre
autre. Un centre accueillant
des écoles et des laboratoires de
recherche pourrait voir le jour.
Le dernier projet est en parte-
nariat avec le parc national du
Vatnajökull. Un espace dédié à
la connaissance de cette région
sera construit sur les rives de la
Skafta. Son toit de gazon pro-
posera des sentiers pour profit-
er d’une vue panoramique sur
la région.
Par Guillaume Bara
Photo : Guillaume Bara
Kirkjubæjar-
klaustur, entre
histoire et avenir
No21
« La tradition voulait que les terres de
Kirkjubæjarklaustur ne puissent recevoir
de païen. Un non chrétien tenta de s’y
installer… et fut transformé en rocher. »