Le Pourquoi pas - 2012, Blaðsíða 10
No10 Politique / Rencontre
Þóra ou
l’espoir d’une
jeune femme
à la tête de
l’Islande
« Comme vous pouvez le
constater, notre maison est
sens dessus dessous ! » an-
nonce avec un sourire franc
Svavar Halldórsson, compa-
gnon de Þóra Arnórsdóttir,
en ouvrant la porte de leur
demeure à Hafnarfjörður.
Entre des vêtements éparpil-
lés çà et là, des photos enca-
drées de leur grande famille
et des papiers relatifs à la
campagne présidentielle, la
svelte Þóra apparaît, une
tasse de café à la main : « Je
dois reformuler ce texte que
nous envoyons aux soixante
ans et plus, il faut le rendre
plus simple ». Svavar s’as-
soit à ses côtés et, ensemble,
ils reformulent ces quelques
lignes. Une osmose affichée
qui a sûrement aidé cette
journaliste de trente-sept
ans à se hisser en deuxième
position dans les intentions
de vote de l’élection prési-
dentielle du 30 juin 2012,
derrière le président actuel,
Ólafur Ragnar Grímsson.
Rencontre avec cette mère de
famille qui a mené sa cam-
pagne électorale enceinte.
Combien de personnes tra-
vaillent pour vous durant
cette campagne ?
Il y a des centaines de volon-
taires qui travaillent pour moi
pour cette élection, très peu
sont payés. Ils passent leurs
grandes vacances à faire ça!
(Svavar intervient) Environ
vingt ou trente volontaires
participent, entre cinquante et
cent personnes fournissent un
travail considérable, et peut-
être autour de mille personnes
travaillent vraiment sur le
projet. (Þóra reprend) C’est un
sentiment si agréable d’avoir
des gens dans la rue qui te
disent « j’ai vraiment envie de
faire quelque chose dans cette
campagne » (Svavar) J’ai deux
semaines de vacances, qu’est-
ce que je peux en faire ? Aider?
(Þóra) C’est un sentiment spé-
cial.
Qu’est-ce qui vous a encou-
ragé à vous présenter à l’élec-
tion présidentielle?
A la fin de l’année dernière,
j’ai commencé à recevoir des
appels, des messages, que je ne
prenais pas du tout au sérieux.
Cela ne faisait pas partie de
nos plans, nous attendions un
bébé pour le mois de mai, nous
aimions nos travails respectifs,
nous étions heureux. Mais au
mois de mars dernier, j’étais
submergée d’encouragements.
Nous en avons parlé et nous
sommes dit que c’était quelque
chose que nous devions consi-
dérer. Je me suis rendue compte
que c’était une opportunité
pour réaliser un changement,
pour tracer une ligne dans le
sable et dire « prenons l’expé-
rience de ces dernières années
et utilisons là pour former le
futur ». Nous avons été telle-
ment concentrés sur le passé,
nous avons tellement essayé de
savoir pourquoi cela était arri-
vé –la crise-, qui nous devions
blâmer...
J’ai considéré la présidentielle
comme une bonne opportuni-
té pour changer de direction,
encourager les gens à parler
de tous les sujets importants.
Par exemple : où désirons-nous
aller en tant que société, quel
genre d’atmosphère voulons-
nous pour élever nos enfants.
Oui il y a eu le crash et les pro-
blèmes qui en découlent mais
il y a également beaucoup d’op-
portunités pour remodeler nos
attitudes et nos valeurs. Des
valeurs qui, je pense, ont perdu
de leur sens les années qui ont
précédé le crash.
Quand on regarde sur internet,
sur les blogs, il y a, en Islande,
tellement de personnes qui ne
participent plus aux discus-
sions de la vie démocratique
du pays. Elles se disent : « J’ai
arrêté de suivre les débats, je ne
regarde pas la télé, je ne lis pas
les journaux, je me contente
d´être dans ma petite bulle
parce que de toutes façons je
ne peux rien faire ».
Quelle serait la différence
entre le pouvoir du président
en Islande et en France?
Il y a une grande différence car
ici le président est une figure
apolitique alors que le prési-
dent français a énormément
de pouvoir. En Islande, le pré-
sident a des pouvoirs limités.
Son pouvoir principal est l’in-
fluence. Il est censé unifier le
pays. Nous sommes seulement
320 000. Il doit aussi attirer
l’attention sur le pays, encou-
rager les entreprises interna-
tionales à investir dans le pays.
Dans quelle mesure apportez-
vous la nouveauté dans cette
élection présidentielle ?
Considérez le président actuel:
il a soixante-neuf ans, c’est
un homme, un ancien chef
politique et il est président
depuis seize ans. Le contraste
est donc saisissant… Je suis son
opposé-e! Je suis jeune, je suis
une femme, avec une vie de
famille, je n’ai pas de carrière
politique, je n’ai aucune expé-
rience en tant que présidente !
Il y a une autre différence très
nette. Si vous vous intéressez
aux discussions de ces dernières
semaines, vous verrez qú il a
beaucoup parlé de pouvoir, de
responsabilités, à quel point le
rôle du président est important
dans la décision du destin de la
nation. Je ne pense pas que cela
soit une bonne chose pour un
président de penser autant au
pouvoir. Traditionnellement,
depuis 1944, le président a un
rôle bien précis et j’ai l’impres-
sion qu’ Ólafur est en train
d’étendre ce pouvoir. Le pré-
sident représente ce que nous
sommes censés protéger pour
les prochaines générations, à
savoir notre pays, notre lan-
gage, notre culture. J’agirai en
fonction de ces valeurs sur les-
quelles notre société est bâtie
et elles n’ont malheureusement
« Pourquoi n’est-ce pas bien qu’une
femme, enceinte, se présente à
l’élection présidentielle? »