Le Pourquoi pas - 2012, Blaðsíða 27
La mer est ce qui a fait évoluer
l'Islande au fil des siècles. Des
marins de l'Europe entière
sont venus affronter les eaux
froides et difficiles autour du
pays. Les Français arrivaient
de Bretagne ou du nord, les
Norvégiens partaient d'Oslo
et les Britanniques étaient très
présents également.
Les poissons recherchés sont le
cabillaud, l'églefin, le lieu noir,
la rascasse du nord, le loup de
mer... C'est l'or islandais que
les navires venaient chercher.
Les hommes étaient en mer,
les femmes et les enfants tra-
vaillaient ensuite le poisson
au port, la plupart du temps en
extérieur.
Pour conserver ces prises, les
seuls moyens étaient de les sal-
er ou simplement de les sécher
au vent, comme pour le fameux
« hardfiskur » qui donne envie
à tous les touristes.
Ses eaux poissonneuses ont
valu à l'Islande une « guerre »
contre l'Angleterre dans les an-
nées 70. Ces derniers voulaient
pêcher comme bon leur sem-
blait dans nos eaux territori-
ales qui s'étendent à 200 milles
nautiques autour des côtes.
Les Anglais ne voulaient pas
tirer sur les bateaux islandais,
mais cherchaient à les percuter
de côté pour les renverser, ce
qu'ils n'ont jamais réussi. Un
jour, alors qu'ils tentaient une
manœuvre de ce type, ils sont
tombés sur un navire qui avait
à l'arrière une couche d'acier
de 25 cm d'épaiseur, ce qui a
complètement bousillé l'avant
du navire militaire qui a évité
de couler de peu. Cela reste le
fait le plus marquant de cette
bataille et les Islandais rient
encore du soldat décoré de la
Légion d'honneur pour avoir
sauvé un tableau de la reine
dans ce bateau.
Aujourd'hui le système de
quotas fait qu'il y a moins de
marins, mais ceux qui pra-
tiquent ce métier en vivent
correctement. C'est ainsi un
des seuls pays au monde où la
pêche n'est pas subventionnée
par l'état et est même la source
principale de recettes du pays.
Un marin non qualifié peut
gagner jusqu'à 100 000 euros
par an.
Les techniques de pêche sont
diverses : filet, palangre,
hameçons, et dépendent du
poisson recherché ainsi que de
la période de l'année.
Par Victor Gayet Gestsson
Photo : Lea Gestsdóttir Gayet
Pêche No27
La pêche en
Islande
Matthias Jacobsson, 75 ans, a
commencé à naviguer à l'âge
de 8 ans avec son cousin qui en
avait 10. En buvant un café il
me raconte:
« On partait sur une barque et
on prenait tellement de pois-
son qu'on les attachait avec
une corde derrière le bateau
quand il n'y avait plus de place
à bord ».
Il est né à Grimsey, la petite île
du nord de l'Islande traversée
par le cercle polaire arctique.
« Chez moi ce n'était pas
l'océan Atlantique mais
l'océan Glacial arctique, et il
porte bien son nom. Mais les
cabillauds, on les relachait s'ils
ne faisaient pas leurs 10 kilos,
alors qu'aujourd' hui un enfant
de 1,5 kg est gardé... »
Après avoir passé son diplôme
de capitaine, il lança son entre-
prise et acheta d'abord un, puis
deux, puis trois bateaux.
Son métier difficile lui a tout
de même permis de beaucoup
voyager et il ne se lasse pas de
ranconter ses histoires. "T'as
faim ?" me demande-t-il en sor-
tant de l'agneau fumé.
« Une fois nous arrivons au
port de Hull-City avec un na-
vire plein comme jamais, le
travail commence, nous avi-
ons des prix fixes suivant les
espèces. Nous remarquons en-
suite qu'une bonne partie du
poisson part directement dans
un entrepôt sans être pesé. Les
Anglais nous volaient du pois-
son ! Et pas qu'un peu... Mais
nous ne pouvions rien y faire,
c'était comme ça à l'époque. »
Il a vu le pays se développer
et passer des habitations sous
terre aux maisons chauffées à
l'eau chaude.
« Tout s'est passé très vite,
presque en un clin d'œil, le
plastique et la ferraille ont
remplacé le bois des bateaux et
il a fallu se mettre au goût du
jour. »
Après avoir vendu son entre-
prise, il s'est mis à aider celle
de son fils Gestur qui pêche
depuis le port de Dalvík à bord
d'un petit bateau. Il fait pour
lui tout le travail à terre et sort
encore en mer l'été « pour le
plaisir » comme il dit en sou-
riant. Sinon il passe son temps
à faire d'excellentes pâtisseries
pour ses petits enfants ou à
pêcher à la ligne les salmoni-
dés qui traînent vers chez lui.
La maison bleue au bord de
la rivière au nord de Dalvik
est la sienne, elle est pleine
d'histoires et si vous voulez
découvrir ce qu'est un marin
de l'extrême frappez à sa por-
te, vous serez accueillis avec
un grand sourire, et quelques
pâtisseries.
Par Victor Gayet Gestsson
pecheislande.centerblog.net
Photo : Lea Gestsdóttir Gayet
Portrait d ún
marin islandais