Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1940, Page 57
LES NÉGOCIATIONS DE CARLSTAD
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Avant méme que le Riksdag eut fixé ces conditions, le gou-
vernement norvégien avait proposé au Storting de donner aux
electeurs l’occasion de faire connaítre s’ils approuvaient la dis-
solution proclamée de l’union. Le Storting accepta la proposition
a l’unanimité le 28 juillet et le plébiscite eut lieu le 13 aout. Il y
eut 368.208 oui et 184 non.
Le 22 aoút le Storting résolut par 104 voix contre 11 que:
1. Le Storting demande aux autorités suédoises de contribuer
a la dissolution de l’union en abrogeant pour sa part l’Acte
d’État (de 1815).
2. Le gouvernement est autorisé á engager des négociations
avec la Suéde relatives á certaines questions se rapportant á la
dissolution de l’union, entre autres les questions formulées par la
résolution du Riksdag suédois en date du 27 (plus précisément
du 28) juillet.
En Norvége, ce fut l’exigence du démantélement des fortifi-
cations dites de la frontiére qui retint surtout l’attention et suscita
la plus forte colére. J’ai entendu plus tard une histoire qui peut-
etre vaut bien d’étre racontée.
Aprés la publication des conditions suédoises, Lövland, le mi-
nistre norvégien des affaires étrangéres, regut la visite de son ancien
collégue du Conseil d’État, le colonel Georg Stang. Celui-ci dé-
clara avec force qu’il ne pouvait absolument pas étre question de
discuter de telles conditions. Lövland pensait que le refus pur et
simple de négocier ménerait á la guerre, mais Stang lui répondit
que la Norvége sortirait victorieuse de cette guerre, et il en ex-
posa les raisons militaires. Löviand: « Te sens-tu persuadé que
nous vaincrons? » Stang: « Oui! » Lövland: « C’est lá pour moi
une raison décisive de ne pas risquer la guerre ». Stang: « Je ne
comprends pas. Que veux-tu dire? » Lövland: « Tu dois bien
te rendre compte, Stang, que le peuple suédois, fier de son passé
glorieux, ne voudra jamais accepter une défaite militaire vis-á-
vis de la Norvége ».
II se peut que l’histoire ne soit pas correcte sous cette forme.
Mais si elle n’est pas vraie, elle est du moins bien trouvée. Elle
caractérise les hommes, les sentiments et les idées de ce moment.
D’une part, l’officier Stang, le brave et ardent Norvégien, et de
l’autre Lövland, le Norvégien non moins brave et le sage politi-
cien. Ce contraste de tempéraments et d’esprits projette ses om-
bres sur les négociations de Carlstad, mais les décisions n’ont pas