Le Pourquoi pas - 2012, Blaðsíða 9

Le Pourquoi pas - 2012, Blaðsíða 9
aux quatre coins du pays pour demander aux marins com- ment ils se débrouillaient. Ils ont répondu : « ma femme a été gentille, elle m’a laissé quelque chose à manger dans la cuisine ainsi que pour mes enfants ». C’était plein de gentillesse et d’humour. Il faisait très beau ce jour-là. Les usines, surtout les usines de poissons, les banques, tout était fermé. Les femmes ont prouvé qu’on ne pouvait pas se passer d’elles car elles portent sur leurs épaules la moitié de la société. Cela a fait beaucoup de bruit. On a vu cette actua- lité dans le monde entier. Beau- coup de pays ont interprété cela comme la grève des femmes dans la chambre à coucher tel qu’on le voit dans "Lysistrata" d’Aristophane -pièce qui lutte pour l’égalité des sexes. Sparte est en guerre contre Athènes et pour créer la paix, les femmes refusent d’entrer dans la chambre à coucher. Mais là, ce n’était pas Aris- tophane. C’était véritable- ment une grève du travail qui prouve que la société ne fonc- tionne pas sans l’apport des femmes. Cela a ouvert les yeux de beaucoup de monde dans le pays sur l’égalité et sur le rôle de la femme. Cette grève a eu très peu d’effets jusqu’à ce 1er janvier 1980 où Kristján Eld- járn annonce qu’il ne va pas se représenter et qu’il y aura des élections présidentielles six mois plus tard, en juin. On réalise qu’il faut une femme alors on commence à chercher. Dans les journaux, de temps en temps, il y avait une photo d úne femme avec marqué « on a demandé à cette femme mais elle a dit non ». Un jour, il y a eu une photo d’une femme connue qui s’occupait des per- sonnes en difficulté dans le centre de Reykjavík, Laufey Jakobsdóttir. Elle connaissait vraiment la vie de ses conci- toyens et surtout celle de la jeunesse. Les jeunes savaient qu’ils pouvaient compter sur elle s’ils étaient tristes ou en cas de drame. C’etait une femme merveilleuse qui était fleuriste. Et elle a écrit une lettre en disant : « pourquoi ne pas demander à Vigdís ? Tout le monde la connaît. Elle donne des cours de français à la télévision ». J’avais participé à des cours sur la culture dans lesquels je parlais du théâtre et j’étais la première femme à diriger le théâtre de la ville. Mais j’ai refusé. Cela ne m’in- téressait pas. Mon projet était de créer un théâtre pour les enfants dans ma maison. Il y a même eu un siège autour du théâtre et je me suis enfuie. Des gens venaient à ma porte avec des pétitions. J’ai reçu un télégramme plié en accordéon de la part des marins islan- dais. On me vouvoyait dans ce texte, ce qui est inhabituel en Islande, et on me disait « nous vous prions de vous présen- ter à la présidentielle et nous vous assurons que nous vous supportons de tout cœur ». Il y avait trente-deux signatures en-dessous. Vous étiez surprise ? Cela m’a profondément tou- chée. J’ai soudain réalisé que le pays voulait une femme prési- dente. C’était extraordinaire. J́ ai été convoquée au théâtre où on m á dit «tu vas le faire on va t’aider». J’ai accepté. Durant la campagne je sautais d’un avi- on à un autre. Les pilotes m’ont dit que j’avais tellement volé dans ces petits avions qu’ils me donneraient mon diplôme tout de suite ! Le jour de l’élection, j’étais épuisée. Toute ma famille était devant la télévision. A quatre heures du matin ma demi-sœur a frappé à ma porte en disant : « on te demande ». C’était le signe que j’étais élue. Qu’est-ce que vous pensez avoir apporté à l’Islande pen- dant ces années durant les- quelles vous avez dirigé le pays ? Moi ? Oh je ne sais pas, il faut demander aux islandais. Je sais que j’ai beaucoup ins- piré les femmes. Elles se disent que si Vigdís peut le faire alors elles peuvent le faire aussi. J’ai toujours été une amie: l’amie de la population. Il n’y a jamais eu de conflit. Sauf une fois quand on a voulu rentrer dans l’Espace Economique Euro- péen, certains voulaient et d’autres non. Maintenant, la question ne se pose plus et je ne regrette rien. Nous sommes européens. Si les Islandais n’avaient pas accepté, ils au- raient navigué vers l’Amérique. Je me demande quel aurait été le résultat. Vous aimeriez que l’Islande fasse partie de l’Union Euro- péenne ? Je n’ai pas d’opinion là-dessus. Avant midi je suis pour, après midi je suis contre. Nous sommes très européens dans notre culture et la littéra- ture mais il y a une importante influence américaine sur la jeunesse. Pouvez-vous nous parler des différences et des ressem- blances entre les systèmes édu- catifs français et islandais ? C’est à peu près la même chose. L’éducation se passe de la même manière à l’université. Par contre , en Islande, nous sommes si peu nombreux par rapport à la France que l’élève connaît son professeur et in- versement. L’éleve peut tou- jours aller voir son professeur s’il y a quelque chose qu’il ne comprend pas. Tout le monde se connaît ici. Cela peut être très bon ou très mauvais. Dans la politique par contre, ce n’est pas une bonne chose. Il y a tou- jours cette tendance à vouloir rendre service à quelqu’un... Cela aurait été différent pour vous d’être présidente en France ? Non, je ne pense pas. J’ai des idéaux comme celui de sauvegarder la langue qui est une volonté commune parta- gée par la France et l’Islande. Nous apprécions ce qui est produit dans notre langue, que cela soit la littérature, les sciences, les films, la musique… Il y a en permanence le respect de la langue. Comment voyez-vous la ges- tion de la crise? Je suis très malheureuse. Au lieu de discuter logiquement, les Islandais se disputent. Pour- quoi ? Parce que nous n’avons pas d’héritage philosophique. Entre Français, on peut discu- ter même si personne n’est du même avis. On va dire « tu te souviens de ce qu’a dit Pascal ? Descartes ne dirait pas ça. Et Rousseau ? ». En Islande, je crois qu’il y a une peur du rejet, de l’exclusion du groupe auquel vous appartenez si vous exprimez une opinion originale. Que pensez-vous des résultats des élections en France? Ce sont des affaires étrangères dont je ne me mêle pas mais je suis assez contente. Je suis abonnée à pas mal de journaux français. Vous êtes convaincue que les hommes prennent plus de risques que les femmes ? Oui, nous le savons tous! Les hommes sont plus enclins à prendre des risques. Il ne faut jamais généraliser mais ć est ainsi. Mais je suis tellement fière quand on réalise que les femmes peuvent faire comme les hommes. Même conduire un camion! Et il faut aussi reconnaître que les hommes peuvent faire tout ce que les femmes font sauf donner nais- sance à un enfant... Qu’est-ce qui vous importe le plus aujourd’hui ? Mon institut - un institut consacré aux 6800 langues dans le monde ouvrira d’ici trois ans - et le bonheur de mes petits-enfants et de ma famille. Mon institut est à l’image de tout ce que j’ai fait pendant ma présidence : je le fais pour le futur. On se moque de moi en disant que je plante des arbres (Vigdís est a l’origine de la plantation de plusieurs forêts dans le pays. Il y a d’ailleurs une forêt dans laquelle elle plantait un arbre chaque fois qu’un nouveau chef de l’Etat se rend en Islande). Pourquoi je fais cela ? On vit dans un pays érodé, nous avons perdu deux tiers de la végétation depuis que nos ancêtres viking se sont installés ici. J’ai donc essayé d’enseigner aux enfants qu’il faut sauvegarder la terre. On m’offrait des cadeaux quand je rendais visite à la population, alors je me suis dit qu’est-ce que je peux donner en échange? C’est une tradition en Islande de venir avec des cadeaux. Je donne à la population en plan- tant des arbres et je souhaite une prise de conscience à ce sujet. Qu’est-ce que donnerait une journée de grève des immi- grés asiatiques ou polonais en Islande ? Les plus grands déplacements de populations depuis le Vème siècle ont lieu de nos jours car le monde est plus ouvert et on ne peut pas s’isoler. Nous devons faire face à cela d’une meilleure manière. Comment ? En essayant d’éliminer les pré- jugés. Parce que les noirs, les jaunes, les arabes et les blancs ont le cœur au même endroit, ont le cerveau au même endroit, ils sont au mieux intelligents ou au pire bêtes ! Nous sommes tous des êtres humains. Ces déplacements de popu- lations sont un fait dans le monde, on ne peut pas se ren- fermer sur soi-même. Je sais que c’est un grand problème en France, la famille Le Pen refuse de voir cela. J’ai une fille et trois petites filles et je crois profondément que si nous pouvons changer le monde ce sera grâce aux femmes. Par Virginie Le Borgne et Lea Gestsdóttir Gayet Photographie : Virginie Le Borgne et Ólafur K. Magnús- son (mbl.is) No9 «Je suis telle- ment fière quand on réalise que les femmes peuvent faire comme les hommes.» «la société ne fonctionne pas sans l’apport des femmes.»

x

Le Pourquoi pas

Beinir tenglar

Ef þú vilt tengja á þennan titil, vinsamlegast notaðu þessa tengla:

Tengja á þennan titil: Le Pourquoi pas
https://timarit.is/publication/2064

Tengja á þetta tölublað:

Tengja á þessa síðu:

Tengja á þessa grein:

Vinsamlegast ekki tengja beint á myndir eða PDF skjöl á Tímarit.is þar sem slíkar slóðir geta breyst án fyrirvara. Notið slóðirnar hér fyrir ofan til að tengja á vefinn.