Le Pourquoi pas - 2012, Side 13
Quel est ton parcours et pour-
quoi as-tu choisi de t’installer à
Reykjavík ?
J’ai 26 ans et un master de de-
sign industriel obtenu à La
Cambre à Bruxelles. En 2008,
j’ai fait de la consultance pour
Wim Delvoye- un artiste plas-
ticien belge, auteur notamment
de l’installation « Cloaca » ou
machine à caca- puis j’ai été
designer pour Jerszy Seymour
–un designer canadien- à Berlin
où je suis resté un an. Je suis en-
suite revenu en Belgique mais
les projets ne m’excitaient pas
vraiment. Vers 2009 j’ai designé
des produits avec Sruli Recht à
Reykjavík. J’ai fait une collec-
tion de sacs qui a été montrée
au Reykjavík Fashion Festi-
val de 2010. Je suis en Islande
depuis trois ans et j’ai pris des
cours intensifs pour apprendre
la langue.
J’ai travaillé avec Mundi– un
créateur islandais dont le ma-
gasin de vêtements se trouve
sur Laugavegur 12-. Nous
étions plus ou moins potes. Ici
Au début je faisais seulement
des accessoires pour Mundi, des
sacs, des lunettes, c’était plus
pour rigoler qu’autre chose. J’ai
créé des coupes, des patrons, le
lookbook pour deux collections
et demie. Puis j’ai voulu tenter
ma chance de mon côté.
Quels sont tes projets ?
Je crée des produits à droite à
gauche et je viens de mettre sur
pied mon entreprise de consul-
tance en design, production,
packaging, identité graphique
nommée The Makery. Je vais
peut-être designer un skate
park aux îles Vestmann.
Qu’est-ce qui différencie le
statut d’artiste en Islande et en
Europe ?
Ici, en Islande, c’est beaucoup
plus artisanal, il y a moins de
connaissances techniques, c’est
peut-être plus naïf, incomplet.
Les gens ne finissent pas leurs
créations mais les montrent
quand même lors d’expositions.
C’est une petite communauté
et ils n’ont pas envie de mal
parler des autres. Par exemple,
récemment, un ami organisait
une exposition avec seulement
quatre chemises ! A la fin, tout
le monde lui a dit que c’était su-
per, j’ai été le seul à lui dire que
son travail était bon mais que
ce n’était en aucun cas terminé.
Il m’a dit le lendemain que cela
avait été la critique la plus con-
structive qu’on lui ait faite !
Ici, chacun fait un peu à sa
sauce.
artiste en IslandeEtre
Art No13
Texte et photos: Virginie Le Borgne
Goddur
Nicolas Kunysz
Quel est ton parcours?
J’ai étudié à l’Icelandic College
of Art & Crafts de Reykjavík
entre 1976 et 1980 puis je suis
allé à Vancouver en 1986 où
j’ai étudié le graphisme. Je suis
professeur à l’Icelandic Aca-
demy of the Arts.
Quelle est ta philosophie de
l'art ?
Ce qui établit ta signature c’est
la manière dont tu crées. Tu
places ta personnalité dans le
type d’ambiance que tu choisis.
Si les gens se reposent plus sur
l’enseignement et la tradition,
ils ont tendance à perdre leur
cœur. Ils deviennent si édu-
qués et ont si peur des élitistes
qu’ils n’osent plus faire des
choses dans lesquelles le cœur
importe.
Dieter Roth nous a enseigné
l’importance de l’identité :
par exemple qui es-tu si tu
vis en Islande ? Qu’est-ce que
l’Islande ? En Islande, nous
n’avons pas de maîtres en pein-
ture comme il peut y en avoir
en Hollande ou en France. Je
pense toujours à ce grand ar-
tiste islandais qui s’est marié
à une Hollandaise à la fin des
années soixante. Il était sans
cesse en train de se vanter de
l’Islande, en disant que ce pays
était fantastique et que tout le
monde était artiste en Islande.
Sa femme était surprise parce
qu’en Hollande tout le monde
ne l’est pas, c’est une chose sé-
rieuse que d’appeler quelqu’un
un artiste. Elle est donc venue
en Islande, pour la première
fois, histoire de vérifier cela.
Ils ont pris un taxi depuis
l’aéroport de Keflavík et elle
était impatiente de vérifier
cette théorie sur le chauffeur
de taxi. Elle s’est adressée à lui
: « tu connais Rembrandt ? » Il
n’a rien répondu. « Tu connais
Mondrian ? » Il a demandé
« Qui sont ces gens ? » Elle
reprend d’un air très fier « Ce
sont les plus grands artistes
hollandais ». « Moi aussi je
suis un artiste ! » a rétorqué le
chauffeur de taxi !
Qu’est-ce qui caractérise un
Islandais ?
Ce qui est drôle en Islande
c’est qu'il est très facile de de-
venir célèbre dans le domaine
de l’art. C’est incroyable le
nombre de gens en Islande qui
écrivent une autobiographie.
Les Islandais ne sont pas aussi
sophistiqués que des artistes
d’autres pays peuvent l’être,
ils ont la capacité d’utiliser le
cœur et de le faire parler, ils
peuvent être sciemment insou-
ciants.
Si tu es vraiment une per-
sonne créative, qu'importe le
lieu ! Etre artiste n’est pas le
résultat d’une analyse ou d’une
réflexion logique. Ce n’est pas
un processus logique. C’est
comme quand tu joues au ping-
pong contre quelqu’un qui est
très fort et que tu es en train
de perdre le jeu. Pour tourner
le jeu à ton avantage, il faut
que tu dises à l’autre « tu es
super bon, comment fais-tu ?
» Et lorsque l’autre se met à se
demander « c’est vrai ça, pour-
quoi suis-je bon ? », il perd le
jeu. Car si tu n’es pas capable
de jouer avec ton cœur, tu n’es
pas capable de jouer du tout.
Artiste et profes-
seur islandais
Artiste belge vi-
vant en Islande