Le Pourquoi pas - 2012, Page 14
un objet simple à trouver, on le
rencontre partout. La pierre est
le symbole de l’Islande, c’est la
nature. Je pense qu’il y a cette
nature à l’intérieur de moi. Le
monde me modifie.
Quelles différences fais-tu
entre le statut d’artiste en Is-
lande et en Europe ?
Il y a des choses spéciales en
Islande qu’on ne trouve pas ail-
leurs. Il y a une relation parti-
culière avec cette île que nous
avons rejointe. En Islande, il y
a quelque chose de l’ordre de la
communauté entre des gens.
C’est un esprit. Ici, le marché
de l’art n’est pas très développé.
C’est comme New York dans
les années 1950 ou Paris vers la
fin du XIXème siècle. Comme
le marché n’est pas très déve-
loppé en Islande, les artistes ne
se focalisent pas dessus. Il n’y
a pas trop de chances de faire
carrière donc les gens n’ont
pas peur de ne pas entrer dans
la société d’artistes. En Alle-
magne par contre, les gens ont
plus peur de ne pas être accep-
tés. Les artistes ici sont polyva-
lents. Mais ce qu’il manque en
Islande c’est une structure.
Ce que j’aime sur mon île, c’est
que tout le monde se connaît.
J’ai beaucoup d’amis qui sont
compositeurs. Hier, il y avait
mon vernissage au musée et en
même temps j’étais au théâtre à
faire de la musique pop, j’aime
faire beaucoup de choses en
même temps. J’adore aller voir
des artistes différents dans les
studios pour travailler avec
eux. A Berlin, cela me prend
toujours beaucoup de temps
pour faire cela.
Mon année à Paris a été très
importante dans ma vie. Il y
avait énormément de choses à
faire et c’était génial. Il y avait
plus de structure qu’en Islande
mais, d'un autre côté, j’aime
qu’il n’y en ait pas ici ! C’est
une idée de liberté et si cette
structure arrive en Islande, le
pays va changer.
Et qu’en est-il de l’art en Bel-
gique, que tu connais bien?
Je travaille pour une galerie à
Bruxelles, « Hopstreet », qui
était à Gand avant et est dans
la capitale depuis deux ans.
J’adore Bruxelles car il y a un
mélange de français et de fla-
mand. En Belgique, il y a de
l’argent et des collectionneurs,
tu peux y vivre en tant qu’ar-
tiste. En Islande, cela fonc-
tionne plus sur un système de
de volonté. Je vois l’Islande
comme un laboratoire d’idées.
Le pouvoir de ce pays est
énorme. Cela serait une grosse
erreur de vendre ce pays aux
Chinois ! Il est vulnérable, il
faut en prendre soin.
No14 Art
Président Bongo
Egill
Sæbjörnsson
Quelles études as-tu faites?
Je suis né en Islande, j’ai étudié
la photographie à l’Icart, à Le-
vallois-Perret en France après
le lycée – qu’on finit à 20 ans en
Islande- puis je suis rentré. J’ai
fait un an de glande à Paris. J’y
suis resté entre 1989 et 1995.
On a fait GusGus direct. Je n’ai
jamais étudié la musique à part
à l’école quand j’étais petit, de
la flûte en bois, du piano.
Entre Paris et Reykjavik je me
suis arrêté à Copenhague pour
faire une école de film : Danish
Film School. J’étais assez bon,
ils n’en prennaient que cinq et
j’étais huitième. J’ai rencontré
un réalisateur qui faisait un
film en Islande avec lequel le
projet GusGus a commencé…et
c’était parti !
Vous étiez déjà amis avec les
membres de GusGus ?
Non. On est un peu comme
un boysband rassemblé autour
d’un leader. Moi et deux autres
sommes vraiment le noyau. A
l’heure actuelle, nous sommes
cinq dans le groupe. Le groupe
a été fondé en 1995 et le nom
vient du film de Fassbinder «
Tous les autres s’appellent Ali
». Il faut voir le film pour com-
prendre le lien !
As-tu d’autres projets musi-
caux hormis GusGus ?
Je suis sur trois projets en
même temps. Un avec un DJ
islandais, Margeir, le groupe
s’appelle Gluteus Maximus,
c’est le plus gros muscle des
fesses. Et puis je fais de la mu-
sique de film en ce moment,
pour la première fois. C’est un
film déjà réalisé mais il n’y a
aucune musique. Sur le DVD
on peut choisir entre la la mu-
sique de GusGus et une autre.
Quelles sont tes influences
musicales ?
Gainsbourg, Rachmaninov et
ACDC.
A part la musique, que fais-tu ?
De la photographie, de la navi-
gation. J’ai mon bateau à moi.
Je suis guide en montagne par-
fois.
Quel type d’art fais-tu ?
Je travaille avec mon pinceau
et avec la vidéo. J’utilise le
monde et je joue avec lui. Je
projette des vidéos sur des ob-
jets. Ce sont toujours des mé-
langes entre objets, endroits et
vidéos.
Quelles études as-tu faites?
En Islande, j'ai etudié plein
d'arts différents et j'ai fait un
échange Erasmus en France,
à Paris VIII, Saint-Denis. Je
vis à Berlin depuis 1999 mais
l’Islande me manque. A Ber-
lin, il y a plus de connexions
artistiques avec le monde alors
qu’ici c’est un peu plus coincé.
J’aime le béton sur la terre, les
détails, les gens, la langue, cela
fait des mois que je n’entends
pas l’islandais. Je suis partout
dans le monde : New York, Eu-
rope, Amérique du Sud mais
mon pays me manque.
Comment l’Islande a influen-
cé ton processus de création
artistique?
Je n’en ai aucune idée. Moi-
même je ne m'en rends pas
compte mais il y a des pierres
qui apparaissent dans mon
art, de la lumière. J’utilise
beaucoup d’objets quotidiens
comme les pierres. Selon moi,
la pierre est l’objet le plus ty-
pique, tout ce qui existe est
une pierre transformée. J’écris
un livre sur la connexion entre
les pierres et nous. La pierre est
Tu as bien aimé la vie à Paris ?
Oui mais à la fin les grandes
villes me fatiguent. Je suis is-
landais moi. Tu ne peux rien y
faire. Ici y’à l’océan, l’énergie
que tu tires de Reykjavik tu ne
la trouves nulle part ailleurs
dans le monde.
En quoi le fait d’être islandais
a influencé ta création ?
Ici, si tu veux faire quelque
chose tu le fais en claquant des
doigts. Ce n’est pas comme à
Paris : « On va faire un court
métrage, ah c’est bien. On va
commencer là-bas, on va trou-
ver un caméraman, une loca-
tion, on peut commencer dans
quatre mois! » Ici, c’est demain,
on y va, c’est prêt ! Si tu as
besoin d’un arrangement mu-
sical, tu peux le faire en trois
jours ! Tout le monde se con-
naît, c'est facile.
Ce qui est adorable avec les is-
landais c’est que nous sommes
tellement isolés que nous
avons tous l’ambition d’être
les meilleurs. C’est fou ce que
nous voulons être les meil-
leurs ! Nous sommes les meil-
leurs ! C’est cette mentalité
qui pousse le bateau. Les mu-
siciens français sont nostal-
giques. Nous, en Islande on est
plus punks dans l’esprit. Je ne
me vois pas vivre ailleurs qu’en
Islande. Il y a de l’air frais, les
montagnes et mon studio.
L’hiver c’est dur, il fait noir.
Depuis que je suis vieux –j’ai
41 ans- cela commence à faire
mal. Mais parfois c’est bien le
noir, on s’enferme dans le stu-
dio et puis je vais à la piscine
tous les jours. Voyager c’est
travailler pour moi. Si j’ai du
temps libre, je reste à la maison
ou sur mon bateau. Quand je
veux prendre l’air, je reste en
Islande.
Membre du groupe de musique
électronique islandais GusGus.
Artiste islandais vivant à Berlin