Islande-France - 01.10.1948, Side 29
ISLANDE - FRANCE
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Les Grands Prix Littéraires
Francais de 1948 pat Piene faácaM
i)
A quelques jours d’intervalle, les
trois Prix littéraires les plus im-
portants de l’année finissante ont
été attrihués dans leur habituelle
atmosphére dc cordiales ]>assions
intellectuelles et dans un climat
d’émulation digne d’une époque de-
venue assez riche en oeuvres de
qualité.
C’est ainsi que, dans l’ordre de
leurs attributions successives, le
“Prix Femina” a couronné le livre
de M. Emmanuel Roblés: Les Hau-
teurs de la Ville; Le Prix Goncourt
s’est porté sur le roman de Maurice
Druon, Les Grandes Familles; le
Prix Théophraste-Renaudot a été
attribué á Voyage aux Horizons,
un récit puissant et coloré de M.
Pierre Fisson. Trois choix qui ont été
bien accueillis par la presse et la
critiquc en général et auxquels le
public fera sans aucun doute le
meilleur sort, puisque la vertu de
ces récompenses esl de provoquer,
au premier clief, un beau succés dc
tirage, dc diffusion et dc vente.
A l’observateur des moeurs lit-
téraires, il est cependant loisible de
tenter de tirer á la fois une philo-
sophie et une morale de ces dernié-
res “opérations” et d’en dégager le
sens général, en tenant compte évi-
demment d’une certaine relativité.
La premiére reinarque qui s’impose
est une constatation de fait. Les
deux grands Prix, anciens par leur
éclat et leur tradition, se sont portés
sur des écrivains, dont des ouvrages
antérieurs avaient déjá permis de
déceler le talent. Ainsi paraissent-ils
s’écarter légérement des disciplines
auxquelles s’attachaient leurs fonda-
teurs qui penchaient pour des votes
de découverte, alors que les choix
actuels s’apparentent davantage á
des sanctions confirmatives. Y a-t-il
désormais une sorte de timidité de
la part des Jurys Goncourt et Fe-
mina á engager leur autorité sur un
premier livre et de provoquer un
lancement hasardeux d’un jeunc
auteur dans une société oíi le talent
est abondant et parfois sporadique
et éphémére? Y a-t-il encore une
maniére de répugnanee á accorder
un irrésistible ct trés verdissant
laurier á un essai qui peut étre
sans lendemain ou qui sera l’oeuvrc
unique du lauréat? II est difficile de
répondre á ces questions; mais il
est bien évident qu’en toute honné-
teté, les juges du Goncourt et du
Femina ont porté leurs suffrages,
avant tout, sur des ouvrages qu’ils
aiment, sans trop se soucier de se
rattacher á une idée préconguc. Cc
qui peut se manifester conime vrai
cette année, ne le sera plus l’an
prochain. Pratiquement, seuls, les