Islande-France - 01.10.1948, Blaðsíða 5
ISLANDE - FRANCE
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l’étranger, la France, c’est Paris. Ils
sont subjugués, envoutés par notrc
capitale, et ils gardent une prévention
assez déconcertante contre cette
France retenue, discréte, sagement
íissise a l’ombre des clochers, a
laquelle ils prétent volontiers un
visage revéche, une áme sans joie,
u n coeur étriqué.
II faut dissiper ce préjugé ct visiter
l’une ou l’autre de ces provinces qui,
pour la plus grande partie d’entrc
nous, représentent l’aspect initial de
la patrie; dans sa rol)e des champs,
la province est le tronc vivace et
vibrant de la France.
Certes, on peut avoir l’impression
que, de Paris et de Paris seulement,
partent tous les mots d’ordre de la
vie intellectuelle et spirituelle de la
nation. Le patriotisme lui-méme
paraít assujetti au rayonnement
plus ou moins intensif de notre capi-
tale. Mais ceci n’est qu’une illusion.
Que serait Paris sans la province?
Un corps émacié oii bientót la vie
n’affleurerait plus.
“Ce qu’on nomme la vie de Paris,
disait Renan, c’est un fourneau ou
brule le surplus de l’énergie créatrice
de la France”.
A la vérité, c’est au sein des pro-
vinces que s’élaboreut les meilleurs
chefs-d’oeuvre.
A Paris, les contacts d’áme restent
fugitifs, imprécis, intermittents ....
En province, dans nos campagnes
ou, sans se connaitre, on se dit le
“bonjour” sur la route, on garde
j)lus volontiers le gout de l’entr’
aide et de la solidarité.
Oni, c’est au seuil des maisons pro-
vinciales que I’on retrouve le mieux
le sens de la fraternité humaine.
C’est au coeur des villages que réson-
ne la cloclie qui rassemble, la cloche
qui cbante les naissances, la cloche
qui haléte pour annoncer le deuil
et le ehagrin, la cloclie qui donne
le signal pour inviter les hommes á
faire la ehaine et á circonscrire
l’incendie. A Paris, les cloches son-
nent également, mais on n’a pas le
loisir de les écouter.
Paris, c’est la France mouvante,
bruyante, superficielle .... La pro-
vince c’est l’élément stable malgré
tous les remous. Par sa stabilité
méme, elle restc la plus súre gar-
dienne de nos spiritualités: de la
France aux multiples visages, c’est
ellc qui nous renvoie le plus authen-
tique, le plus jiermanent et le plus
noble.
Germaine Kellerson.