Islande-France - 01.10.1948, Qupperneq 8
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ISLANDE - FRANCE
vie et qu’il a récité devant lui un
chant qui a grandement contribué
á sauver sa tétc.
Or ce poéme existe, assez ])ien
conservé et tous les critiques ont dú
reconnaitre que c’était hien celui qui
avait été récité á York devant le roi
Erik. Qu’a-t-il donc de si remar-
quable?
Certainement pas le sujet. Erik est
loué pour sa Ijravoure, ses campagnes
mais aucun nom de bataille, aucun
nom d’ennemi vaincu ne sont cités;
pour sa libéralité, mais le poéte n’en
donnc aucun exemple. Ce sont des
louanges encore plus crcuses quc cel-
les quc l’on trouve habituellement
chez les poétes de cour, et c’est tout
dire: Erik avait accompli tant de
prouesses que ce minimum s’im])o-
sait.
Mais si l’on considére la forme du
poéme, et en particidier son métre,
tout autre est le résultat de l’examen.
I)e cc point de vue-lá le “Höfudlausn”
offrait un caractére si nouveau que
ceux qui l’écoutérent ne purent que
constater qu’il s’agissait lá d’une
véritable révolution dans l’art de
la j)oésie nordique. La cour, devant
une métrique tellement inattendue,
dut étre frappée d’un étonnement et
d’une vénération mélés de crainte.
Quel était donc cet hommc qui avait
re§u d’Odin un don jamais possédé
par aucun poéte du Nord? Le roi
Erik lui-méme s’en laissa imposer
par le poéte inspiré des dieux; ravi
de la sonorité de l’oeuvre et assuré
(]ii’elle durerait aussi longtemps
qu’on parlerait la langue nordique,
il dut se persuader que si Egill était
mis á mort, le chant tomberait dans
l’oubli, et que lui, il perdrait ainsi
l’occasion de s’assurer une renom-
mée éternelle.
La sonorité du “Höfudlausn” sub-
siste encore évidemment aujourd’hui:
mais il est difficile de s’imaginer
l’iinpression qu’elle dut produire sur
les Nordiques du Xe siécle. Pour la
])remiére fois dans leur langue ils
éntcndaient un poéme composé sous
un métre qui voulait (pie les vers
fussent enchainés (deux par deux ou
quatre par quatrc) par dcs rimes
finales; jusque-lá, en effet, sclon les
lois du métre “dróttkvædur háttur”,
rime ou assonance n’existaient qu’á
l’intérieur des vers, et ceux-ci ne se
trouvaient liés entre eux quc par
l’allitération. On sait le róle capital
qu’ont joué depuis lcs rimes finales
en ])oésie et l’on comprend que
ceux qui, á York, les entendirent
pour la preiniére fois en aient été
fortement frappés. Bragi Boddason,
dit le Vieux, avait été placé, croit-on,
au rang des dieux pour avoir inventé
le “dróttkvædur háttur” qui était,
lui aussi, á ||époque, une grande
nouveauté dans la poésie germani-
que: il convenait donc qu’Egill, qui
venait d’y introduire le métrc.
“runhenda”, eút au moins la vie
sauve: c’était un exploit tout aussi
remarquable.
Les événements de 948, á York,
ouvrent de si vastes perspectives qu’il
n’est pas possihle dans les limites
d’une bréve étude - de lcs envisager
dans toute leur ampleur. Nous
n’aborderons ici que certains des
points qui nous semblent incontes-