Islande-France - 01.10.1948, Page 10
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ISLANDE - FRANCE
origines de la Norvége et des autres
nations nordiques; ils l’auraient fixé
sur le parchemin et, plus tard,
“l’auraient rendu á leurs fréres”,
comme l’on dit souvent. Mais ceci esl
une vue chimérique et romantique.
Quelle que soit l’origine des Islandais
(et les derniéres recherches indiquent
qu’ils ne sont ])as si nordiques qu’on
l’a généralement cru), ils se sont
toujours caractérisés par leur désir
de se rendre á l’étranger et d’acquérir
une culture étrangére, par leur apti-
tude singuliére á assimiler ensuite
cette culture á leur vieil héritage
national, á amalgamer avec équilibre
et harmonie l’ancien et le nouveau.
Le “Höfudlausn” est la premiére
illustration importante et manifeste
de cette tendance: á cet égard il reste
le poéme ‘islandais’ d’un auteur typi-
quement “islandais“. L’adoption du
christianisme dans le pays confirme
le méme fait. Les Islandais, aprés
mure réflexion, ont abandonné leur
vieux culte sans peine parce qu’ils
n’avaient jamais été tout á fait
paiens, parce qu’ils avaient toujours
cu un certain contact avec le chris-
tianisme; ils le recurent dans une
nleine liherté d’esprit, le comprirent
á leur maniére, organisérent Ieur
église nationale connne ils l’enten-
dirent, mais ils gardérent sans
crainte lc souvenir de leurs anciennes
traditions, parce qu’elles n’avaient
jamais horné leur horizon. Les
Norvégiens, de leur cóté, furent con-
traints de délaisser en un demi-siécle
le paganisme; ils tuérent le roi Olaf
Haraldsson le Gros, mais bientót
aprés le canonisérent et avaient pour
lui une grande dévotion. Voilá pour-
quoi peut-étre leur jjoésie, si intime-
ment liée avec le paganisme, est
morte subitement lors de l’adoption
du christianisme, alors que le méme
fait n’a eu aucune répercussion sur
la poésic islandaise. Si nous consi-
dérons enfin nos sagas des 12éme
et 13éme siécles, nous constatons
que c’csl une curieuse combinaison
d’influences étrangéres, de souvenirs
nationaux et de création originale
supportée par ces deux courants. Ce
n’est pas l’effet du hasard que Sæ-
niundur le Savant, le premier scandi-
nave qui fait ses études en France,
en ait été le promoteur. Et de tout
cela se dégage la méme loi générale,
á savoir que lc vrai moyen de se
connaitre soi-méme, d’apprécier ce
que l’on posséde et de créer quelque
chose de nouveau, c’est de prendre
contact avec quelque chosc d’autre,
sans cependant se laisser passive-
ment influencer. Notre grande íle
du Nord était toute désignée pour
étre la forteresse ou des hommes,
ajjrés avoir heaucoup voyagé, ra-
méneraient leurs libres conquétes,
en feraient le tri, les travailleraient
á leur fagon, mais sans sc laisser
dominer par ellcs.
La supériorité de la littérature
islandaise des 12éme et 13éme siécles
par rapport á celle des autres pays
nordiques, pour ne pas dire davan-
tage, est évidente pour tout lemonde.
En dehors des “sagas”, les Islandais
mirent alors par écrit une grande
partie de leur propre poésie du lOéme
siécle et des siécles suivants; c’esl