Islande-France - 01.10.1948, Síða 24
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ISLANDE - FftANCE
une effroyable tempéte, avec une
vieille machine á bout, fut drossé,
á cinq heures du matin, contre les
récifs de Borgarfjordur. II touche
brutalement á deux reprises. Le vieux
bateau polaire a le cuir dur. II se
couche sur tribord, puis se reléve,
une fois encore.
On tente inutilement de mouiller
les ancres, mais avant que le “Pour-
quoi-Pas” soit rappelé par elles, il
s’écrase contre un rocher, arrache
sa quille et commence á sombrer,
submergé par des vagues géantes.
C’est l’instant d’agonie ou Charcot
va grandir jusqu’ á la mesure de
l’épopée. II y suffira d’un cri, d’un
geste. Un cri, cri de pitié, de douleur
paternelle. Debout sur la passerelle,
il voit les lames 'emporter un á un les
jeunes hommes qui l’ont accom-
pagné, et il gémit: “Mes pauvres en-
fants!” C’est sur eux seuls qu’il
pleure .... Un geste, geste á la
fois d’une grandeur héro'ique et
d’une admirable sensibilité humaine:
il s’en va á la cage de sa mouettc
familiére, la mouette de Rosa qu’il a
recueillie trois semaines aupara-
vant, et tandis que le bateau s’en-
fonce sous lui, il libére l’oiseau aux
ailes blanches. N’a-t-il pas voulu
nous rappeler ainsi que, dans les
pires cyclones, ou tout s’abíme el
disparait, quelque chose peut et
doit survivre, mais á condition de
s’envoler?
L’Islande, la Bretagnc .... Les
deux pays qu’il ne séparait pas dans
son coeur, ne se séparérent point
non plus dans l’hommage rendu á
sa dépouille et á celles de ses marins.
Je puis dire aux Islandais que, dans
la famille de Charcot, on garde une
reconnaissance, qui durera autant
que la vie, á la noble Islande pour
l’accueil qu’elle sut faire, alors, aux
morts héroiques du “Pourquoi-Pas”.
La femme et les filles du com-
mandant Charcot ont trouvé dans
la piété islandaise envers leur grand
mort, la seule consolation qui pút
alors les atteindre.
Aprés l’Islande, ce fut la Bretagne,
patrie d’élection de Charcot, qui
le regut sur les quais endeuillés dc
Saint Malo.
“II est des morts qui illuminent
la mort méme”, s’écria le sénateur-
maire de la ville-corsaire, quand
le cercueil du commandant eut regu
les suprémes honneurs.
L’ Islande était-ellc absente de ces
funérailles que la Bretagne fit au
grand explorateur? Qui pourrait 1’
affirmer? II se passa une chose
étrange lors de cette sépulture. Un
vol de mouettes accourut de la mer
et tourbillonna quelques instants au-
dessus du cercueil. Puis toutes re-
gagnérent le large, toutes sauf une
qui, jusqu’au dernier instant, jus-
qu’au moment oú le cercueil fut
introduit dans le fourgon qui l’em-
menait á Paris, voleta au-dessus de
lui, trés bas, sans s’écarter une
minute, méme pendant toute la
durée des discours officiels. Cela
frappa vivement tous les témoins,
et Monique Charcot disait aprés la
cérémonie á des amis: “Vous avez
vu, c’était sa mouette!”
Etait-ce vraiment la mouette
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