Islande-France - 01.10.1948, Page 31
ISLANDE - FRANCE
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Le lauréat du Prix Goucourt, Mau-
rice Druon, vient, lui, d’avoir trente
ans. La presse, les lettres, le théátre,
la radio, le cinéma l’ont tour á tour
attiré. Ses débuts dan.s le roman
avec La Derniére Brigade (un épi-
sode de la débácle de juin 1940) a-
vaient été remarqués. II a épanoui
dans les Grandes Familles ses dons de
composition et de style. II retrace
avec une certaine dureté, la “dégrin-
golade” de la société bourgeoise,
aprés la guerre de 1918; ses per-
sonnages ont une telle vérité qu’on
a pu se demander s’il ne s’agissait
pas d’un roman “á clé”. L’auteur
s’en est défendu. Sa création, trés
originale, trés prenante, se développe
sur un rythme qui tient son lecteur
sans cesse en haíeine. C’est l’excel-
lente “image” d’un des aspects
d’une société corrompue par l’argent
et la facilité.
Trente ans! .... tel est aussi l’áge
de M. Pierre Fisson, le lauréat des
Renaudot. Aprés avoir participé á
la Résistance au cours des années
1942—1944, il fut attaché á un état-
major américain, conrnie interpréte,
et participa á l’occupation de Berlin.
En qualité d’attachédepresse, il a par-
couru le Nouveau-Monde. C’est la
“somme” de ses expériences multi-
ples qu’il a délivrée dans une
sorte de récit, documentaire et pro-
fondément affectil': Voyage aux
Horizons. On ne saurait se tromper
sur la valeur, sur la qualité d’une
telle évocation, forte, précise, oii
éclate l’amour des liommes aux
abois, dans une civilisation finis-
sante, pour tout ce qui est encore
valuable, et d’abord, pour les autres
hommes! Théme pathétique que ce
jeune débutant a traité avec une
hauteur, une sureté exemplaires.
Qu’á ce trio de lauréats —- Druon,
Rohlés, Fisson — on puisse encore a-
jouter le nom d’un auteur “délaissé”:
Hervé Bazin, voilá qui est éminem-
ment réconfortant pour le roman
contemporain, et pour son avenir.
Pierre DESCAVES.
CHARCOT, L’ISLANDE
ET LA BRETAGNE.
Suite de la p. 20.
láchée dans la bourrasque, au-dessus
de la cóte islandaise, et qui était
revenue jusque de l’ile lointaine ac-
compagner son maitre eí son sauveur
jusqu’ au bout de son dernier voy-
age? Etait-ce le trait d’union aérien
tracé entre les deux pays qu’aimait
Charcot et qui l’aimaient? ....
L’aventure serait merveilleuse,
mais il n’est méme pas besoin des
ailes d’un oiseau pour porter d’une
rive á l’autre des pensées et des
souvenirs. La mort de Charcöt,
mieux encore que sa vie, a uni
l’Islande á la Bretagne. Elles ont en
effet communié ensemble, du fond
de l’áme, dans l’admiration et la
pi.tié lors du naufrage du “Pour-
({uoi-Pas”, et cette alliance des
coeurs, qui déjoue les frontiéres el
les distances, est parmi les plus
durables et les plus fortes.
Roger VERCEL.