Gripla - 20.12.2018, Page 116
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(avant d’être pour les uns mutilés, pour les autres exilés), et dans les deux
cas, ces cinq rois sont destitués.
Caractéristique du travail littéraire de Snorri Sturluson, la répétition
des mêmes termes, des mêmes expressions – parfois à l’identique, parfois
accompagnée de légères modifications, induites par le contexte – a souvent
permis à l’auteur de la Heimskringla de renforcer les liens qu’il percevait
entre deux ou plusieurs épisodes historiques. Dans la chute du discours
que Snorri Sturluson a attribué à Þorgnýr Þorgnýsson, la mention de cinq
rois qui auraient été suppliciés par les Suédois à une lointaine époque doit,
selon toute vraisemblance, trouver son origine dans ce procédé narratif.
Observons in fine que, dans la logique du récit, la réaction du roi des
Suédois au commentaire de son butin de chasse par la princesse Ingigerðr
fut d’autant plus violente que, pour Óláfr Eiríksson, c’était la seconde fois
qu’il était question devant lui non seulement de cinq rois, mais encore de
cinq rois humiliés, si bien que la remarque cinglante de sa fille a dû imman-
quablement lui rappeler la menace du magistrat du tíundaland, au cours
de la séance – ô combien humiliante pour lui! – de l’assemblée des Suédois
qui s’était tenue peu de temps auparavant à upsal.
*
B) Le cadre du supplice: á Múlaþingi
La traduction littérale du complément circonstanciel de lieu á Múlaþingi,
qui est employé par Þorgnýr Þorgnýsson dans la chute de son discours,
serait: «à l’assemblée de Múli». Cette leçon est donnée par l’ensemble
de la tradition manuscrite de l’Óláfs saga ins helga (y compris la rédaction
interpolée au sein de la Flateyjarbók), mais aucune assemblée portant un
nom qui pourrait correspondre au vieil islandais Múli (génitif Múla) n’est
connue en Suède, si bien que, depuis fort longtemps,18 on estime qu’il
s’agit là d’une confusion avec le toponyme suédois Mora.
S’agit-il d’un lapsus calami du scribe qui écrivait sous la dictée de l’auteur
ou d’une méprise de ce dernier? Il n’est pas possible d’en décider, mais l’er-
18 Voir ainsi olof von Dalin (Svea rikes historia ifrån des begynnelse til wåra tider. Första
Delen som innehåller hela Hedniska Tiden (Stockholm: Lars Salvius, 1747), 639) et Erik
Julius Biörner (Svea rikens hävda ålder …. (Stockholm: Jacob Merckell, 1748), 74–75, note
y), cf. Gerhard Munthe (dans Snorre Sturlesons norske Kongers Sagaer I, trad. Jacob aall
(Christiania: s.n., 1838), 232).