Milli mála - 01.01.2013, Blaðsíða 255
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ges qui relatent des scènes de navigation4. Elles s’échelonnent en
gros entre 1120 et 1180 et présentent une unité linguistique liée à
l’emploi d’un dialecte de langue d’oïl caractéristique de la Normandie
et de l’Angleterre anglo-normande5. D’un point de vue typologi-
que, ces œuvres peuvent se classer en trois grandes catégories : a) les
vies de saints (adaptations d’anciennes Vitae latines) ; b) les œuvres
légendaires (lais, contes, fables) ; c) les essais historiographiques
(chroniques, histoires).
Le caractère maritime de l’œuvre est parfois intrinsèque au sujet
traité. Ainsi le Voyage de saint Brandan, rédigé vers 1120 par un
certain Benedeit, est-il l’adaptation de la célèbre Navigatio sancti
Brendani qui narre le voyage extraordinaire du moine navigateur
irlandais Brendan vers des terres inconnues. De même, la Vie de saint
Gilles, écrite par Guillaume de Berneville, est fondée sur une an-
cienne Vita du xe siècle et relate l’histoire du saint depuis son em-
barquement à bord d’un navire marchand en Grèce jusqu’à son ar-
rivée en Septimanie. Mais le plus souvent seuls de petits textes
ayant trait à la mer ponctuent l’œuvre littéraire, ce sont des scènes
d’appareillage, des traversées ou des tempêtes qui nous sont racon-
tées. La première thématique est particulièrement bien représentée.
Wace décrit avec une redoutable précision dans son Roman de Brut,
qu’il rédige vers 1155, le départ de la flotte du roi Arthur de
Southampton vers Barfleur ; dans sa seconde œuvre, le Roman de Rou
écrit vers 1160–1170, il rapporte en quelques vers l’embarquement
de Guillaume le Roux en direction de la Normandie. Mais on
trouve aussi le détail très précis de scènes d’appareillage dans la Vie
de saint Gilles et dans la Vie de seint Edmund de Denis Piramus, qui
narre la vie d’Edmond, roi d’Est-Anglie entre 855 et 870, torturé et
tué par les Vikings en 870. Les scènes de tempête sont également à
l’honneur dans la littérature anglo-normande. Si elles ont une fonc-
tion éminemment poétique, elles font aussi écho à des épisodes bi-
4 Dans un mémoire intitulé « Sur les principaux passages maritimes de quelques poëtes français des
douzième et treizième siècles », Augustin Jal, historiographe et archiviste de la Marine, avait déjà
attiré l’attention sur la valeur archéologique de ces textes (Jal 1840-I : 169–226).
5 La langue littéraire ne reflète qu’une partie des disparités dialectales de la langue d’oïl, néanmoins
deux dialectes ont marqué par la qualité de leurs œuvres le français parlé au Moyen Âge au nord
de la Loire : l’anglo-normand et le picard. L’anglo-normand, ou normand exporté par la conquête
de 1066, est rapidement devenu la langue de culture en Angleterre, la seule admise jusqu’au début
du xive siècle (Zink 2000 : 26–27).
ÉLISABETH RIDEL