Milli mála - 01.01.2013, Side 272
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rimentées et acquises très tôt au contact des Gaulois et des Romains
(Thier 2003 : 187 ; Haywood 2006 : 34–35). Lorsque les Vikings
débarquent en Neustrie, il y a donc bien longtemps que les Francs
pratiquaient la navigation et savaient construire des navires aptes à
la mer. Beaucoup plus tard, au ixe siècle, ils employaient une gran-
de embarcation de type frison, dont des pièces de monnaie à figura-
tion navale, frappées à Quentovic, se font un formidable écho.
Stéphane Lebecq (1983-I : 166–176 ; 1989 : 436–438) a bien mis
en évidence l’utilisation des deux côtés de la Manche, dès le viiie siè-
cle, d’un navire de forme très arquée, bordé à clin à partir d’une sole
sculptée. À partir d’un prototype fluvial se seraient apparemment
développés en Grande-Bretagne et en Gaule des modèles plus adap-
tés à la mer. Si les Francs savaient naviguer (et en conséquence
avaient développé leur propre vocabulaire nautique), ils exerçaient
essentiellement une navigation côtière et traversière, comme bien
d’autres navigateurs à cette époque. En introduisant en Normandie
de nouveaux types de coque fondés sur un concept longitudinal, les
Vikings vont révolutionner les performances hydrostatiques des
navires de haute mer et développer les techniques du gréement.
Face aux embarcations des Francs montées sur sole, les Vikings
pratiquaient, en effet, un mode de construction à quille et à clin.
C’est une manière différente de « penser » une embarcation, où les
pièces longitudinales (quille, virures, lignes de rivets) deviennent
les éléments architecturaux prépondérants de la coque. La quille,
qui est attestée en Scandinavie sur le navire de Kvalsund daté vers
700 et qui constitue la colonne vertébrale du navire, a une fonction
antidérive permettant de mieux affronter la houle et les courants.
Plus stables et plus souples, les coques scandinaves étaient mieux
adaptées à la haute mer. Mais les essais sous voile n’ont pas été im-
médiatement concluants : les performances nautiques du premier
navire viking muni d’une voile et connu à ce jour, le navire d’Ose-
berg (c. 820), étaient encore médiocres. Adapter une voile à une
coque nécessitait aussi d’adapter la coque à la voile. Avec le navire
de Gokstad (c. 895), les charpentiers scandinaves ont trouvé des
solutions plus rationnelles afin d’augmenter les capacités nautiques
de la coque : quille en T plus développée, franc-bord plus impor-
tant, abaissement du bau transversal qui perd sa fonction de banc de
DES TEXTES DE MARINE EN DIALECTE NORMAND DU XII e SIèCLE