Milli mála - 2017, Page 115
FRANÇOIS HEENEN
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La raison serait simplement, comme déjà affirmé dans cet article,
qu’un énoncé au passé composé n’oblige à sélectionner une valeur
spécifique temporelle de E que si cette opération est nécessaire pour
assurer la pertinence de l’énoncé. Cette phrase peut servir à commu-
niquer que le sujet a simplement beaucoup peint durant la journée
en question, ce qui n’exigerait aucune détermination de moments
précis des deux actions. Ou au contraire, s’il y a deux moments
de la journée mutuellement manifestes et donc facilement identi-
fiables pour le destinataire, elle peut inciter à se représenter ces deux
moments.
Une autre particularité de l’imparfait itératif est que, malgré la
présence d’adverbes temporels quantitatifs, l’interprétation reste ac-
ceptable si le nombre d’occurrences est flou:
30) « le tribunal ... jugeait hier une jeune femme ... accusée
d’avoir abusé [...] de la crédibilité d’un homme ... / elle
lui prédisait l’avenir quatre fois par semaine par téléphone
en tirant les cartes »
Par apport à 27, l’énoncé 30 est acceptable parce qu’il autorise l’in-
férence de la période des méfaits comme valeur temporelle de « pré-
disait l’avenir ». La seule condition est que cette période soit de
plusieurs semaines ce qui ne constitue aucune difficulté particulière
pour l’interlocuteur. Il n’y a donc aucune contrainte de déterminer
des moments précis pour chaque occurrence de l’action.
L’expression de l’aspect habituel, si courant avec l’imparfait,
serait donc un effet standardisé de la procédure temporelle. Une
phrase comme « Je mangeais des fruits » peut servir à communi-
quer que durant une certaine période de sa vie, le locuteur a régu-
lièrement mangé des fruits. L’inférence de cette période du passé
est une réponse pertinente au traitement imposé par la procédure
temporelle29.
29 À noter que l’interlocuteur a également la possibilité d’inférer une même période du passé pour
l’interprétation de plusieurs énoncés. Le résultat est la représentation d’un événement habituel
composé de plusieurs sous-événements réitérés toujours selon le même ordre séquentiel. Un
exemple de cet usage est « Punchinello en faisait partie, il essayait de sauter aussi haut que les
autres, mais il tombait toujours. Et lorsqu’il tombait, les autres s’assemblaient autour de lui et lui
donnaient des ronds », cité dans Henriette De Swart, « Circonstanciels temporels et aspect verbal :