Milli mála - 01.01.2013, Síða 254
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ont été les derniers à adopter les techniques du gréement, sans
doute au cours du viiie siècle au contact des Frisons et des Anglo-
Saxons (Lebecq 2003 : 21). En effet, la voile n’apparaît pas avant
cette période dans l’iconographie nordique comme l’attestent les
pierres historiées de Gotland (Nylén et Lamm 2007), tandis que
d’un point de vue linguistique les Scandinaves ont été jusqu’à em-
prunter le mot segel, ‘voile’, à leurs voisins germaniques (Thier
2003 : 187–188). En adaptant la morphologie de leur coque à la
propulsion à la voile, ces hommes contribueront à faire de leurs
navires les plus performants qui soient pendant plus de trois siècles.
Avec l’adoption des techniques du gréement, le navire scandinave
devient « viking » et entre dans l’histoire.
Les textes vernaculaires norrois, c’est-à-dire des sagas islandaises
pour la plupart, racontent avec beaucoup de précisions les naviga-
tions du temps des Vikings3. En plus de cette littérature bien
connue des historiens et des archéologues, il existe un petit corpus
de textes de marine normands et anglo-normands, datés du xiie siè-
cle, qui apparaissent tout aussi instructifs quant aux techniques de
navigation héritées des Vikings (Sayers 1997). Ces textes nous of-
frent un vocabulaire particulièrement cohérent qui décrit le grée-
ment et les manœuvres à bord. Par une analyse lexicale minutieuse,
qui permettra de mettre en valeur les différents héritages linguisti-
ques, nous verrons comment les mots témoignent aussi d’héritages
techniques qui se sont superposés au fil des siècles et quel poids
accorder aux Vikings dans le domaine de la navigation en Nor-
mandie.
2. Des œuvres à caractère maritime
Au sein du domaine littéraire de langue d’oïl, des œuvres rédigées
en dialecte normand et anglo-normand contiennent quelques passa-
3 Pour les sagas, on consultera l’ouvrage incontournable de Hjalmar Falk (1912), bien qu’ancien,
mais aussi celui de Frédéric Durand (1996), rare référence en langue française sur le sujet. Pour les
sources scaldiques, voir Judith Jesh (2001), complété par les travaux de Rikke Malmros (2010) sur
la marine de guerre scandinave.
DES TEXTES DE MARINE EN DIALECTE NORMAND DU XII e SIèCLE