Milli mála - 01.01.2013, Side 262
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cil qui a governail s’assist Celui qui est assis au gouvernail
estreintement al vent prist ; prend aussitôt vent devant.
le lof avant e le lispreu Naviguant au lof et à la perche,
siglant vindrent a Barbefleu. ils arrivent à Barfleur.
Éd. A. J. Holden. Trad. É. Ridel.
3.2. Guillaume de Berneville
La Vie de saint Gilles de Guillaume de Berneville nous fournit égale-
ment un texte très instructif d’un point de vue nautique. Il s’agit
d’un extrait où des marchands provençaux s’apprêtent à repartir vers
leur pays avec une riche cargaison de tissus orientaux et d’épices,
tandis que Gilles leur demande le passage pour aller à Rome (vers
881 à 904)10 :
A plein se astent d’eschiper, Ils se hâtent d’appareiller,
Kar mult coveitent le passer. car ils désirent ardemment traverser.
Bons fud li venz e la mer quieie : Le vent est bon et la mer calme :
Ne lur estoet muver lur greie, nul besoin de toucher aux agrès ;
Ne n’i out la nuit lof cloé, cette nuit-là, on n’a ni cloué le lof,
Estuinc trait ne tref gardé, ni tiré les bras, ni surveillé la vergue,
Ne n’i out halé bagordinge, ni halé les cargues,
Ne escote ne scolaringe ; les écoutes et le collier de mât ;
Ne fud mester de boesline ; nul besoin de bouline.
Tute fud queie la marine : La mer est toujours calme :
Ne lur estut pas estricher, pas besoin de diminuer la voile,
Ne tendre tref ne helenger. ni de la tendre, ni de la hisser.
Fort ert l’estai e li hobent Solides sont l’étai et les haubans
Ki fermé furent vers le vent, qui sont ridés face au vent
E d’autre part devers le bort et, par ailleurs, vers le bord,
Sunt li nodras e li bras fort ; les extrémités de la vergue et les bras sont solides.
Bones utanges out el tref, La vergue a de bonnes itagues,
Meillurs n’estot a nule nef ; les meilleurs de tous les navires ;
Bons fud li tref e la nef fort, la mâture est bonne et le navire solide.
10 Jacques Chocheyras (1995 : 44) a proposé une traduction avec laquelle nous ne sommes pas toujours
d’accord sur le plan nautique, mais celui-ci convenait que le passage était difficile à interpréter.
DES TEXTES DE MARINE EN DIALECTE NORMAND DU XII e SIèCLE