Milli mála - 01.01.2013, Blaðsíða 264
264
3.4. Thomas
Le dernier texte retenu est le passage qui relate dans le Tristan de
Thomas une scène de tempête (vers 2859 à 2884) :
Curent al lof, le sigle turnent : On établit la voile pour virer lof pour lof :
Quel talent qu’aient s’en returnent. on a beau faire, il faut changer de cap.
Li venz s’esforce e leve l’unde, La tempête monte, l’onde se soulève,
La mer se muet qui est parfunde, la mer profonde s’ébranle,
Truble li tens, l’air espessist, le temps se gâte, le ciel se couvre,
Levent wages, la mer nercist, les vagues grossissent, le flot devient noir,
Pluet e gresille e creist li tenz, il pleut, il grêle, et l’ouragan se déchaîne,
Rumpent bolines et hobens, et boulines et haubans se brisent
Abatent tref e vunt ridant, et la voilure descend, tandis qu’on louvoie
Od l’unde e od le vent wacrant. en luttant contre les lames et les rafales.
Éd. J.-Ch. Payen. Trad. J.-Ch. Payen.
Pour traduire le fait de « tourner la voile » (sigle turnent), il est inté-
ressant de noter qu’en employant l’expression « virer lof pour lof »,
propre aux marins, Jean-Charles Payen a fait le choix d’une traduc-
tion plus technique. Si Thomas utilise un vocabulaire nautique
moins spécialisé que Wace, Guillaume de Berneville et Denis
Piramus, il n’empêche que sa description du comportement d’un
navire face à une tempête est juste (nécessité de changer de cap en
raison de la force du vent, destruction de certaines parties du grée-
ment, dérive du navire dû à l’incapacité à manœuvrer la voilure).
Comme eux, il était familier de la mer, sans pour autant être
marin.
4. Héritage linguistique et héritage technique
Wace est certainement l’auteur qui a eu le plus conscience qu’il
existait à son époque une langue propre aux marins caractérisée par
l’emploi d’un vocabulaire technique. Dans un bref passage du
Roman de Rou, cet auteur oppose nettement un mot usuel à un terme
technique (vers 6453 à 6456) :
DES TEXTES DE MARINE EN DIALECTE NORMAND DU XII e SIèCLE