Milli mála - 01.01.2013, Síða 267
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mes nautiques bâbord et tribord, d’origine néerlandaise. Pour décrire
les changements de bord, les marins du xiie siècle utilisaient égale-
ment des verbes courants tels que turner (tourner) et returner (retour-
ner), jusqu’à ce qu’ils inventent la locution virer de bord, plus tech-
nique et plus précise. En revanche, le verbe courir appliqué à un
navire pour dire qu’il navigue, qu’il fait route, est encore employé
de nos jours par les marins.
Si des mots apparaissent difficiles à saisir de nos jours, ce n’est
pas toujours en raison de leur technicité mais parce qu’ils appartien-
nent au vocabulaire de l’ancien français et qu’ils sont souvent mul-
tiformes. C’est le cas de estricher (resserrer, diminuer), employé par
Guillaume de Berneville, qui est phonétiquement la variante nor-
mande de estrecier (Godefroy) ; haneker (harnacher) est également une
variante dialectale : il s’agit du verbe harnaschier qui a admis lui-
même de nombreuses formes au cours de l’histoire de la langue
française (Godefroy). On citera aussi les verbes fermir pour la forme
moderne affermir, lacier pour lacer, alascher pour relâcher. Il convient
aussi de prendre en compte des évolutions sémantiques. En ancien
français, le verbe traire, qui signifiait ‘tirer’ et qui était usuel au sens
général, s’est spécialisé en français moderne au sens de ‘extraire un
liquide (en particulier le lait)’. Au xiie siècle, il n’était donc pas
incongru de traire un cordage !
Par ailleurs, des substantifs de la langue courante ont été utilisés
par analogie sémantique pour désigner des pièces du gréement.
Ainsi les bras du corps humain sont-ils employés dans un contexte
nautique pour désigner les cordages qui servent à orienter la vergue,
tandis que braiol qui signifiait à l’origine ‘ceinture (d’un pantalon)’
s’applique aux cordages qui permettent de relever ou de serrer la
voile. Quant à tref et verge, ils ont acquis leur acception maritime à
l’intérieur de la langue d’oïl. Tref désignait en ancien français toute
sorte de poutre et de solive et a pris dans un contexte nautique le
sens précis de ‘vergue’ ; quant à verge, c’était à l’origine une petite
baguette avant qu’elle ne s’applique à l’espar sur lequel est tendue
la bordure supérieure d’une voile carrée. Tref et verge étaient donc
ÉLISABETH RIDEL