Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1942, Blaðsíða 137
LE VOYAGE SCANDINAVE A L’ÉPOQUE
ROMANTIQUE JEAN-JACQUES AMPÉRE
Par Louis Tissot.
Al’époque méme des grands voyages d’Orient qu’illustré-
rent, á la suite de Chateaubriand, Lamartine, Flaubert,
Gérard de Nerval et Barrés, il y eut cependant des écri-
vains frangais qui surent échapper á cet engouement exclusif et,
allant plus loin que Madame de Staél en ses confrontations de
l’est, acceptérent — tels Xavier Marmier et Jean-Jacques-Ampére
■— de pousser vers le Nord. Ils n’étaient pas les premiers; avant
eux Saint-Amand et Regnard avaient franchi les détroits bal-
tiques; ils ne furent pas les derniers, car depuis lors les appels du
Nord se sont precisés et nombreux sont les écrivains frangais qui
firent le voyage scandinave — avec plus ou moins de tact et de
succés, devons-nous ajouter.
Parmi les écrivains du XIXeme siécle qui s’intéressent á la Scan-
dinavie, il faut faire une place á part á Jean-Jacques-Ampére1),
qui sut donner de son voyage dans le nord de l’Europe un compte-
rendu vivant et utile á lire, car il constitue pour l’époque une
excellente contribution á la connaissance de la Scandinavie. Am-
pére ne faisait d’ailleurs qu’appliquer une méthode qu’il fut le
premier á inaugurer: étudier les littératures étrangéres en visitant
les pays ou elles se sont formées, ne jamais dissocier le climat litté-
raire du climat physique, social et humain. Ainsi explique-t-il sa
maniére: « Chacun peut étudier les chefs-d’œuvre de la poésie,
mais il manquera toujours quelque chose á cette étude tant qu’on
n’aura pas visité les pays ou vécurent les grands écrivains, con-
templé la nature qui les forma et retrouvé, pour ainsi dire, leur
áme aux lieux ou elle est empreinte. Comment comprendre leur
coloris si on ne connaít leur soleil? »2) Et plus loin il ajoute: « Pour
moi, voué á la culture des lettres et passionné pour les voyages,
j’ai cherché á mettre d’accord deux gouts qui ne se trouvent pas
l) Fils d’A. M. Ampére, le physicien célébre, J. J. Ampére est né á Lyon
en 1800. Professeur au Collége de France en 1833, Membre de l’Académie
des Inscriptions et Belles-Lettres en 1842, de l’Académie Francaise en 1848.
A frequenté assidument l’Abbaye-aux-bois. Ami de Madame Récamier, Bal-
lanche, Tocqueville et Ozanam. Trés nombreux voyages á l’étranger. Etudes
mr les diverses littératures et civilisations nationales. Mort en 1864.
’) Avant-propos á La Gréce, Rome et Dante.