Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1942, Side 140
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LE NORD
La Norvege et la Suéde le retiendront davantage. La Norvége
tout d’abord ou « les vallées sont des provinces, les torrents sont
des fleuves, les lacs de petites mers ^,11) La présence perpétuelle
de l’eau lui apparaít comme le caractére dominant de la Norvége,
mais il trouve cependant que sur table il n’en est pas de méme,
car on y boit des verres de punch aussi facilement que des verres
d’orgeat ou d’eau sucrée.
Les étres humains l’intéressent plus particuliérement et il note
cette fierté native qui est en eux: « Ils ont autant de fierté que de
droiture; ils ont gardé le tutoiement des áges héroiques et l’adres-
sent á tout le monde sans exception, á leurs pasteurs comme aux
étrangers ». II appuie avec plaisir sur le degré de culture des pay-
sans norvégiens: chacun a sa Bible; par ailleurs on vend plus de
livres en Norvége qu’au Danemark et Ampére constate qu’on a
trouvé chez des paysans un Euclide, des écrits de Kant et de Jean-
Jacques-Rousseau.12) Ce qui l’attire surtout est la vie du »gaard«
qui représente pour lui la famille primitive ou les membres habi-
tent, vivent et possédent en commun. II veut y voir l’élément le
plus simple de la societé et trouve lá un excellent commentaire de
Tacite sur les mceurs originelles des peuples germaniques. Ami
des contrastes et des ressemblances il note l’usage du kilt et les
visites mystérieuses que les gar^ons font la nuit aux jeunes filles
qu’ils veulent épouser, car pareil usage se retrouve en Suisse. Mais
il voit d’autres ressemblances entre la Scandinavie et la Suisse:
les paysans de fa vallée d’Hasti ont une tradition qui les fait
descendre des Scandinaves; il a trouvé á une belle bateliére á
Brientz un profil exactement suédois; enfin, dans les rues de Berne
et de Stockholm les enfants jouent au méme jeu.
Ampére est défu par Göteborg qui « n’est qu’une rue »; á
Trondheim il s’arréte devant la cathédrale, mais il profite de son
passage en cette ville pour envoyer á Madame Récamier, l’étre
qui domine son cceur, une pensée affectueuse marquée d’une cer-
taine pose, ce qui évoque fácheusement les inscriptions latines de
Regnard face á l’Océan Glacial: « Vous, á qui on a écrit des ten-
dresses de presque tous les pays de la terre — déclare J. J. Ampére
— on ne vous en a pas encore adressées de Drontheim. J’ai un
11) Ibidem, page 34.
“) 11 fera la méme remarque pour les paysans de Suéde, car, prés du
lac de Kall, il rencontrera un petit cultivateur penché sur des cartes de géo-
graphie qui lui demandera de lui envoyer des livres specialisés pour lui
faciliter l’intelligence de ces cartes.