Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1942, Page 314

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LE NORD
tume qui existait il y a déjá plus de mille ans, á savoir que des
Scandinaves étaient propriétaires de rennes gardés par des Lapons
nomades. Par rapport au propriétaire de rennes, un tel Lapon
est appelé aujourd’hui encore en langue laponne un raide. Ce
mot est issu de l’ancien nordique et signifiait surement dans les
débuts « celui qui rend compte ». Pour le propriétaire de rennes
les comptes annuellement rendus représentaient la partie essen-
tielle de l’élevage. Au moment de rendre les comptes, il était
toujours question, bien entendu, des particularités des rennes et
de leurs qualités et, comme le propriétaire de rennes ne connais-
sait généralement pas le lapon, ce sont les termes scandinaves
qui étaient employés et un certain nombre de ces mots sont peu
á peu entrés dans la langue laponne et y ont acquis droit de cité.
L’élément scandinave dans la terminologie se rapportant á
l’élevage du renne est toutefois insignifiant. Dans ce domaine,
les Lapons ont créé une nomenclature qui est en elle-méme re-
marquable et qui ne témoigne pas seulement d’une grande ha-
bileté dans leur profession, mais aussi de dispositions scienti-
fiques. Les Lapons sont de trés bons anatomistes. Ils regardent
avec un certain mépris les bouchers scandinaves qui ne tiennent
pas compte des articulations de l’animal abattu, mais fendent les
os á coups de hache, en soulevant un tourbillon d’éclats. Plus
curieuse encore que ses connaissances anatomiques est la maniére
dont le Lapon peut distinguer les rennes d’aprés leur aspect, á un
point tel qu’un autre Lapon pourra reconnaítre le renne en ques-
tion sur la base de la description qui lui en a été faite. Linné
qui, gráce au génie qu’il possédait pour distinguer, différencier
et ordonner, créa la nomenclature binaire indispensable en bota-
nique et en zoologie, ne cessa, au cours d’un voyage qu’il effectua
en Laponie, de s’étonner de la faculté que possédent les Lapons
pour distinguer les rennes d’aprés la couleur de leur poil, alors
qu’il lui semblait que presque tous les rennes étaient de la méme
couleur. L’estime de Linné aurait augmenté de plusieurs degrés
s’il avait su que, d’aprés le pelage, les Lapons répartissent les
rennes en cinq groupes et en une cinquantaine de sous-groupes.
Cela semble en contradiction avec le phénoméne bien connu du
changement saisonnier de pelage, les rennes ayant le poil plus
clair en hiver qu’en été. Mais la nomenclature employée par les
Lapons vise á établir les couleurs relatives, celles-ci restant iden-
tiques ou étant du moins faciles á reconnaítre, que le pelage soit