Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1942, Page 315
LES LAPONS
303
plus clair ou plus foncé selon la saison. Pour mettre ce fait en
évidence, je veux rappeler l’exemple du cheval bai qui peut avoir
la méme couleur de poil que l’alezan, mais qui se distingue de
celui-ci par le fait qu’il a la criniére et la queue noires.
Les Lapons ont de méme une cinquantaine de dénominations
des rennes d’aprés la forme de leurs bois; ils tiennent compte de
la position des bois, de leur courbure vue d’avant ou de cóté,
de la ramification des merrains, de la forme des andouillers, sans
parler de l’absence de bois, de leur chute ou de la chute du
drap. Si l’on ajoute que les Lapons ont plusieurs dizaines de mots
pour désigner les rennes d’aprés l’áge, le sexe, la gestation, l’ac-
couplement et la castration, on congoit aisément que les possi-
bilités de distinguer les différents rennes soient pour ainsi dire
infinies.
Un systéme semblable existe aussi chez les autres peuples
éleveurs de rennes, par exemple chez les Samoyédes, mais nulle
part le systéme n’a, á notre connaissance, atteint un si haut degré
de perfection que chez les Lapons.
Un mode de vie nomade conduit nécessairement á la vie dans
les tentes. La tente laponne a une structure spéciale; elle se com-
pose de quatre tiges de bouleau recourbées, dont la forme n’est
pas trés différente de celle des crosses de hockey, placées deux
par deux sur une perche transversale, de maniére á former deux
chevalets qui supportent la perche transversale. C’est sur celle-ci
qu’on fixe la chaíne qui supporte la crémaillére suspendue au-
dessus d’un foyer circulaire de pierre. Il faut avoir vu ces tentes
laponnes pour se rendre compte combien leur invention est pra-
tique. Il existe un grand nombre de formes de tentes, surtout
dans les contrées septentrionales du continent européen-asiatique.
Mais il n’en existe nulle part de construction aussi ingénieuse que
celle des Lapons.
II va de soi que l’on n’a pas le droit de s’attendre á ce qu’un
peuple absolument insignifiant au point de vue numérique qui,
depuis les temps les plus reculés, vit dans des régions presque
inhabitables, puisse jouer un róle marquant dans le domaine cul-
turel. Il n’en est pas moins curieux de constater chez les Lapons
une grande soif de connaissances, que l’on peut sans hésitation
caractériser de scientifique. Le géographe finnois Rosberg ra-
conte l’histoire d’un Lapon qui avait entendu dire qu’il existait
encore en Russie des Lapons pa'iens. Afin d’examiner si la rumeur
disait vrai, il décida de s’en aller lui-méme jusqu’á la presqu’íle