Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1943, Blaðsíða 82
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LE NORD
années de famine, les impots arriérés étaient fréquents et les fermes
ou, comme le disait la terminologie de l’époque, les droits d’héri-
tage passaient á la couronne. Nous pouvons voir le résultat de
cette évolution dans les statistiques de la répartition de la propriété
fonciére datant des années 1720 á 1730, lorsque la Grande Guerre
du Nord prit fin: les fermes de la couronne étaient beaucoup plus
nombreuses que les fermes héréditaires appartenant aux pay-
sans; celles-lá représentaient á plusieurs endroits jusqu’aux 9/10
de la totalité de la terre. Le changement n’était cependant pas
aussi net en fait qu’il pouvait le paraítre, car, en réalité, les
charges des paysans restaient les mémes et la couronne n’avait
aucun intérét á expulser le paysan de la terre de ses ancétres.
Mais il se produisit en méme temps d’autres bouleversements dans
les conditions de la possession de la terre.
H-
La couronne commen^a á la fin du XVIe siécle á faire cadeau,
puis á vendre aux nobles les fermes des paysans et, dans le second
quart du XVIIe siécle, ces concessions atteignirent une proportion
énorme. Parmi les fermes qui échurent ainsi á la noblesse, il n’y
en avait qu’une faible partie qui appartenait á la couronne, la
plupart étant des fermes héréditaires. Comment la couronne
put-elle céder ainsi ce qui ne lui appartenait pas? Elle ne céda
en réalité elle-méme, de ce fait, que l’impót foncier rapporté
par ces fermes, mais comme l’on considérait alors que le droit de
percevoir les impóts était étroitement rattaché á la propriété méme
de la terre, on considéra que ces terres étaient données en fiefs
á la noblesse. La situation juridique de ces terres rappelle celle
des mouvances seigneuriales en France avant la Révolution. II
semblerait, á premiére vue, que peu importe au paysan la per-
sonne á qui il paie l’impót fixe, pourvu qu’il garde son droit de
jouissance héréditaire. Mais il n’en était pas ainsi. Avec l’impót
devenu ainsi une redevance le noble recevait le droit appartenant
á la couronne de s’emparer de la terre elle-méme, du « droit
d’héritage », si les redevances n’étaient pas payées.
Si la ferme passait entre les mains d’un noble, celui-ci était
tenté d’en expulser le paysan et d’unir les terres de plusieurs
paysans en un domaine seigneurial. Pour cultiver ces grandes sur-
faces, l’on exigea ensuite des autres paysans des corvées á la place