Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1943, Síða 140
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LE NORD
L’on sait que l’étude archéologique de l’antiquité ne s’occupait,
au cours des premiers siécles, que de Rome ou, du moins, qu’elle
tira ses matériaux d’Italie, et comme on se basait surtout sur les
indications de la littérature antique, on ne sentait guére, d’une
maniére générale, que le manque du contact direct avec les
monuments eux-mémes et les localités antiques en Gréce fut une
lacune fatale. On ne recevait des renseignements topographiques
et archéologiques directs de l’extérieur qu’occasionnellement et
d’une maniére trés irréguliére par des pionniers isolés, que l’esprit
d’aventures et la passion d’investigation attiraient en Gréce ou
encore plus á l’Est. Parmi les voyageurs de cette époque encore
indécise, on peut nommer un Danois, l’artiste-peintre M e 1 c h i o r
Lorck(Lorichs) (né á Flensborg vers 1527, mort vers 15 82).
Envoyé en tournée d’études dans les Pays-Bas, avec une bourse
du roi Christian III, il prolongea son voyage par l’Italie, la Gréce,
l’Égypte jusqu’en Turquie, ou il étudia, entre autres choses, l’art
architectural et les monuments anciens. De ce dernier pays, ou
il assista l’antiquaire célébre Ogier Busbecq, envoyé impérial, et
oú, en tout, il ne séjourna pas moins de cinq ans (de 15 5 5 á 1560),
on posséde encore une série de dessins d’une extréme habileté,
dont plusieurs sont connus et appréciés pour leurs données topo-
graphiques ou artistiques. On en voit un spécimen aux figures 1
et 2. Notamment sa gigantesque vue panoramique de Constan-
tinople, conservée aujourd’hui á Leyde, est précieuse pour les
études constantinopolitaines. Aprés la mort de Christian III,
Lorck dédia au roi Frédéric II1) un ouvrage comprenant un
récit de l’état des choses en Turquie.
A peine un siécle aprés le séjour de Lorck á Constantinople,
nous trouvons un cas trés intéressant: celui d’un officier danois
MoritzHartmand (ne vers 1656, mort en 1695), qui, ayant
pris part, sous Morosini, au siége de l’Acropole d’Athénes par les
Yénitiens, offre, en 1688, au Cabinet royal des objets d’art deux
tétes de marbre d’une conservation parfaite, provenant des mé-
topes du Parthénon. Il ressort indirectement des archives du Cabi-
net d’art que Hartmand n’a pas enlevé lui-méme ces fragments
des ruines de l’Acropole, mais qu’il se les est procurés dans ce
qu’on appellerait de nos jours le « commerce d’objets d’art », oú
l’on avait indiqué, comme lieu d’origine, le temple de Diane á
Éphése. Ces exquises tétes (v. la fig. 4), sur lesquelles nous re-
*) A son retour au Danemark, Lorck fut nommé portraitiste attitré
du Roi.