Gripla - 01.01.2003, Page 109
HÉLÉNE TÉTREL
LA MORT ÉDIFIANTE DE CHARLEMAGNE
La KARLAMAGNÚSSAGA présente une intéressante particularité en regard des
textes fran?ais qui composent ce qu’on appelle le « cycle du roi »: son achéve-
ment. Dans ce qui pourrait constituer l’équivalent fran?ais du cycle norrois,
aucune chanson en particulier n’est centrée sur la mort de l’empereur. Dans le
Couronnement de Louis, dont l’intrigue repose sur le conflit entre l’indigne
descendant de Charlemagne et son puissant vassal Guillaume d’Orange, la
mort de Charlemagne est évoquée mais trés rapidement:
Ainz fu morz Charles que il fust repairiez,
Et Looi's remest ses eritiers.1
La mort de Charlemagne y est présentée comme une simple circonstance du
récit.
Un des manuscrits du Couronnement, le manuscrit « D », donne, il est
vrai, une leijon légérement plus étendue. Charlemagne y meurt en présence de
Guillaume et de Louis, et la mort de l’empereur provoque un miracle : les
cloches de toutes les églises se mettent á sonner seules. Mais il s’agit lá d’une
le?on unique et ne couvrant qu’une douzaine de vers. Par ailleurs, une
chanson de geste fran?aise a peut-étre été composée sur la mort de
Charlemagne. C’est en tout cas ce que suggére l’existence d’un poéme franco-
vénitien du XIIIe siécle sur le sujet. Ce remaniement a probablement utilisé
des sources fort diverses : Gianfranco Contini2 montre qu’il reprend certains
motifs du Couronnement de Louis, et emprunte á la double légende de saint
Gilles et du péché de Charlemagne. Nous n’avons pas conservé ce poéme.
Hors du cercle poétique, il faudrait également prendre en compte les textes
écrits par les biographes et les chroniqueurs, dont le nombre ne cesse
Le Couronnement de Louis, éd. E. Langlois, éd., vers 242- 243.
G. Contini, « La canzone della mort Charlemagne », dans Mélanges de linguistique romane
et de philologie médiévale offerts á M. Delbouille, pp. 105-126.