Gripla - 01.01.2003, Síða 118
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revanche il existe bien une tradition selon laquelle Charlemagne, parmi les
nombreuses œuvres pieuses que lui attribue la légende, aurait présidé á la
translation de saint Servais á Aix.
Cependant, d’une maniére générale, il faut admettre que le copiste de B ne
cache pas la préférence qu’il accorde á Vincent de Beauvais sur toute autre
source : il se justifie méme de l’utiliser á la fm de la branche VIII, qui s’écarte
de la version traditionnelle de la Chanson de Roland, méme s’il lui arrive
également d’intégrer d’autres sources, ou bien d’adapter ses sources en
fonction de l’effet qu’il recherche.
Les saints évoqués dans ce texte ont visiblement vu leurs histoires
rassemblées dans un recueil exemplaire, á l’appui sans doute d’une argumen-
tation contre les hérésies. L’évéché dans lequel officiait historiquement
l’évéque Salvius n’a, semble-t-il, pas été localisé, mais il exista un saint
Servais de Tongres qui fut mélé aux luttes anti-ariennes du milieu du IVe
siécle. Quant á la source précise de l’épisode d’Amphiloque d’Iconium face á
Théodose et son fils, elle se trouve dans l’Histoire Ecclésiastique de
Théodoret.19 On se souviendra que cet évéque, á la suite de la controverse
trinitaire sur laquelle statua le Concile de Nicée, fut trés engagé dans la lutte
contre l’arianisme.
Les récits qui forment la branche X ont, pour certains d’entre eux, été
conservés dans d’autres textes norrois. Dans le recueil d’ « ævintýri » (courts
récits moralisants) édité par Gering apparait le voyage de Charlemagne á
Jérusalem et á Constantinople, au chapitre XI, sous le titre : « frá Karla-
magnúsi ».20 D’aprés Alfred Jakobsen,21 c’est la Karlamagnússaga qui a
emprunté au recueil d’ « ævintýri », et non l’inverse.
Selon Halvorsen, les récits de la visio Turpinis et de la mort de
Karlamagnús ont suivi le méme chemin. La version de ces épisodes qu’on
peut lire dans la Tveggja postola saga Jóns ok Jakobs (TPS) aux chapitres 90
á 93 aurait en revanche été empruntée á Karlamagnússaga. L’auteur de TPS
connaissait la version Aa (dont la fin est aujourd’hui perdue) de la Karla-
19 Migne PG 82 col. 1229-30, Hist. Eccl. liber V, cap. xvi, « De Amphilochio Iconii episcopo »,
et aussi Migne PG 39, col. 29-30, (« Veterum Testimonia »). Dans cette histoire, Amphiloque
d’Iconium se présente devant l’empereur Théodose et refuse de saluer son fils Arcadios.
Devant le mécontentement du roi il expose alors pourquoi il faut placer le Pére au méme
degré que le Fils. Mais ce récit doit avoir existé ailleurs, il serait intéressant d’en étudier la
réception.
20 íslendsk Æventýri, vol. I, p. 34 et suivantes.
21 A. Jakobsen, « Er kap. 1-5 i del X af Karlamagnús saga l&nt fra en samlig œvintýrl ».