Gripla - 01.01.2003, Side 122
120
GRIPLA
entrées dans l’Index Exemplorum de Tubach. On retrouve par exemple le
motif du sein de la Vierge (qui est le motif retenu dans le titre donné par Ole
Widding et Hans Bekker Nielsen), symbole de la maternité. Dans de
nombreux exemples, la lactation est aussi la métaphore de la transmission de
la connaissance divine. Un autre élément narratif archétypal est ce que
Tubach nomme dans son index croisé des références les « deathbed visions »
et qu’on retrouve fréquemment associées soit á des descriptions de scénes du
Jugement Dernier, soit, surtout dans les visions plus longues, á des récits de
voyages dans l’au-delá et á des catabases. La catalepsie qui affecte Wallterus
est la méme que celle qui affecte le réveur de la vision de Tnugdal.29 (Un
pécheur endurci tombe gravement malade ; il reste comme mort entre le
mercredi soir et le samedi soir. Comme il lui reste un peu de chaleur á la
poitrine, les médecins hésitent á le mettre en terre. Au moment ou il perd
conscience il lui est donné de voir les tourments infernaux dans une vision.
Revenu á lui, il distribue ses biens et se repent). On trouve aussi le motif de la
mort apparente d’un malade dans un autre récit célébre, celui dit de la vision
d’Alberic, alors que dans d’autres récits, la vision intervient pendant le
sommeil, ou plus précisément dans un état intermédiaire de ravissement entre
la veille et le sommeil, comme c’est le cas dans la célébre vision de Wetti ou
dans celle de Turpin dont il sera question plus loin.
Quoiqu’il en soit des motifs représentés et de la signification qu’il faut leur
accorder, la présence de cet épisode á la suite de la Karlamagnússaga a de
quoi surprendre, et il n’est pas étonnant qu’on l’ait, traditionnellement,
écarté des éditions.
C’est donc un assemblage bien peu homogéne qui clót le cycle norrois de
Charlemagne. Outre l’absence de cohésion des matériaux, on y remarque
aussi une tendance trés nette á l’expansion : á mesure que le temps passe les
chapitres s’accumulent. Ils font leur apparition, d’abord de maniére indé-
pendante (si l’on en croit les indications du copiste de B), sous forme
d’appendices, et sont ensuite intégrés au corps du texte. Ainsi le lien qui unit
la branche d’Olif et Landres á l’ensemble du cycle est-il assez artificiel ; et
pourtant cette traduction a été intégrée au cycle par les rédacteurs de la version
(B, et, surtout, reproduite comme le second volet de la saga dans l’édition
Unger, comme si le probléme de sa légitimité ne se posait pas.
29 A. Micha, Voyages dans l'au-delá, d’apres des textes médiévaux. IV-XIIIe siécles. Voir aussi
Apocalypses et Voyages dans l'au-delá, sous la direction de Claude Kappler, et l’ouvrage de
Fabienne Pomel, Les Voies de l'au-delá et l’essor de l’allégorie au moyen áge.