Gripla - 01.01.2003, Síða 123
LA MORT ÉDIFIANTE DE CHARLEMAGNE
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Les récits disparates de la fin du cycle n’ont pas re§u cet accueil. II faut
pourtant s’interroger un peu plus longuement sur le sens de leur présence.
La cohérence
La mort de l’empereur Charlemagne, bien que pratiquement absente des
poémes épiques conservés en fran^ais, a été l’objet de nombreuses traditions
écrites et légendaires. Cette légende a aussi été largement exploitée á la fois
par le clergé qui les utilisa pour la propagation du culte des saints et par les
rois qui s’en servirent pour asseoir leur autorité.
On trouve des poémes et des récits cléricaux déjá bien avant le moment oú
les souverains virent un intérét politique á soutenir la canonisation de
Charlemagne : un culte fut rendu á l’empereur dés les premiéres décennies qui
suivirent sa mort. La Vita Karoli d’Eginhard fut d’ailleurs le premier pané-
gyrique ; il fut ensuite reproduit par de nombreux chroniqueurs et auteurs
d’annales, et souvent associé á d’autres traités, comme celui du moine de
Saint-Gall par exemple. La matiére des Gesta Karoli méle les réflexions
d’Eginhard, contemporain de Charlemagne, aux exposés plus tardifs et aux
récits á tendance plus hagiographique30 : ce sont des textes de ce genre qui
vont bátir la légende et par la suite influencer l’épopée.
Les récits qui opérent la jonction entre le culte des saints et le culte de
Charlemagne sont donc avant tout un véhicule du message chrétien. Mais sur
ce terrain, ils rencontrent facilement Ies genres d’inspiration profane.
Un grand nombre d’historiettes, exempla, miracles et récits de vision plus
ou moins directement rapportés á Charlemagne, ont trouvé leur place dans les
recueils consacrés aux saints, la plupart du temps sur le prétexte de la
translation des reliques. Ainsi du plus ancien d’entre eux, conservé dans le
recueil des miracles de saint Goar, rédigé par un moine de l’abbaye en 819.
On sait par ailleurs que le théme de la translation des reliques a été largement
exploité dans les traités hagiographiques destinés, entre autres, aux
propagandes princiéres.31 Juste retour des choses, la figure royale permet á son
30 Voir R. Folz, Le souvenir et la légende de Charlemagne dans l’empire germanique médiéval,
pp. 4 et suivantes, ainsi que les travaux de Louis Halphen sur Charlemagne.
31 L’immense littérature critique qu’on pourrait convoquer sur cette question ne peut étre
rappelée ici. La biographie que J. Le Goff a consacrée á Saint Louis, a le mérite de mettre en
valeur l’ambiguité des rapports existant entre textes historiques, légende hagiographique et
textes littéraires.