Milli mála - 05.07.2016, Blaðsíða 116
FRANÇOIS HEENEN
Milli mála 7/2015
122
lʼexpression dʼune action statique, ou progressive, ou habituelle,
dʼautres lʼinterprètent comme une action vue selon un « point de
perspective » interne2. Chaque définition contient sa part de métapho-
re quʼil faut apprendre à adapter pour le besoin de lʼanalyse. Si on
se tient au sens commun de « progression » on voit clairement de
quoi il sʼagit dans « il rentrait chez lui », mais on ne sait pas de quelle
progression on voudrait parler dans « il dormait ». La conclusion de
ces quelques remarques est que les théories sémantiques du temps et
de lʼaspect ne répondent pas à notre question de départ parce que
cette question est hors de leur champ dʼinvestigation. Lʼautre domai-
ne linguistique concerné est la pragmatique, traditionnellement défi-
nie comme la science de lʼénoncé. Les recherches en pragmatique
sur lʼinterprétation des valeurs temporelles et aspectuelles des verbes
sont cependant divisées par des principes théoriques. Certaines ap-
proches établissent une frontière stricte entre les éléments de
lʼénoncé qui sont interprétés à travers le décodage et ceux qui sont
traités par des opérations inférentielles libres, sans rapport avec le
contenu, alors que dʼautres approches considèrent lʼinférence com-
me un processus constant durant toute lʼinterprétation3. Quiconque
veut entamer des recherches sur les propriétés pragmatiques dʼune
forme linguistique comme lʼimparfait est contraint de se choisir un
cadre théorique, car les observations basées sur lʼintuition ne peu-
vent suffire, et le danger de circularité dans le raisonnement est cons-
tant. Mon choix théorique sʼest porté sur la théorie de la pertinence
2 Pour les « lectures » statique, progressive ou habituelle de lʼaspect imperfectif
dans les langues du monde, voir Henriëtte De Swart, « Verbal Aspect », The Ox-
ford Handbook of Tense and Aspect, éd. par Robert I. Binnick, Oxford : Unversity
Press, 2012, pp. 752-780, ici pp. 756-765. Pour la théorie du „point de vue », voir
Louis de Saussure et Bertrand Sthioul, « L’imparfait narratif : point de vue (et ima-
ges du monde) », Cahiers de praxématique 32/1999, pp. 167-188, version électro-
nique sur le site http ://www.unige.ch/lettres/latl/louis/praxdef200312116494.pdf,
p. 3 (tiré le 12/04/2015).
3 Je considère la « Théorie segmentée de la Représentation du Discours (SDRT) » et
sa conception de « lʼinterface sémantique-pragmatique », comme un exemple de
la première approche (voir Patrick Caudal, Carl Vetters, Laurent Roussarie,
« Lʼimparfait un temps inconséquent », Langue française 138/2003 : Temps et
co(n)texte, pp. 61-74, ici p. 62) alors que lʼautre approche de la pragmatique est
exemplifiée par la « Théorie de la Pertinence » présentée originellement dans Dan
Sperber et Deirdre Wilson, Relevance : Communication and Cognition, Cambrid-
ge MA : Blackwell, Oxford and Harvard University Press, 1986.