Milli mála - 05.07.2016, Blaðsíða 308
CHARLOTTE LINDGREN
Milli mála 7/2015
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d’ailleurs a priori pas en lisant un livre traduit, même, par exemple, si
la façon dont un personnage parle dans le texte cible est très différen-
te de celle du texte source. Le traducteur et sa voix sont alors
« invisibles » - une image qui a souvent été utilisée pour décrire le tra-
ducteur ou le traducteur idéal. En revanche, le lecteur peut réagir et
avoir la puce à l’oreille : la voix du traducteur est alors entendue. Cet-
te situation se complique encore plus dans le domaine de la littérature
de jeunesse, puisque dans l’immense majorité des cas, l’auteur et le
traducteur sont des adultes, alors que le lecteur peut l’être, mais est
souvent un enfant. Il est ici fructueux d’utiliser le modèle construit au
début des années 2000 par O’Sullivan (The Communicative Model of
the Translated Narrative Text24) pour entrer plus en détails dans notre
analyse. Nous avons d’ailleurs présenté et utilisé ce modèle précé-
demment25. Plusieurs chercheurs, tout d’abord Schiavi26, ont proposé
d’utiliser la notion de « traducteur implicite » (implied translator) en
parallèle aux notions de « lecteur implicite » (implied reader) ou
« auteur implicite » (implied author). Dans la réalité si l’on peut dire,
on trouve l’auteur réel et dans le monde de la langue cible le lecteur
réel (du texte cible). Dans le cadre du texte narratif source, on trouve
l’auteur implicite, le narrateur, et son interlocuteur dans le texte cʼest-
à-dire le narrataire, et le lecteur implicite27, et dans celui du texte nar-
ratif cible, on trouve le traducteur implicite, le narrateur, le narrataire
et le lecteur implicite (ces trois derniers étant directement générés par
le traducteur implicite). Le traducteur est aussi à un moment un lec-
teur réel du texte source et un traducteur réel du même texte. À pro-
pos du traducteur implicite, O’Sullivan souligne que :
Toutes les personnes impliquées dans une traduction - traducteur,
éditeurs, planificateurs - peuvent être trouvées dans l’instance du
24 Emer O’Sullivan, « Narratology meets Translation Studies, or, The Voice of the
Translator in Children’s Literature », Meta 48(1-2)/2003, pp. 197-207, ici p. 201.
25 Lindgren, « La voix de l’enfant dans l’œuvre traduite en français de Moni Nils-
son ».
26 Giuliana Schiavi, « There is Always a Teller in a Tale », Target 8(1)/1996, pp. 1-21.
27 Selon Poslaniec (L’évolution de la littérature de jeunesse, de 1850 à nos jours au
travers de l’instance narrative, p. 45), le narrataire représente en fait le lecteur
implicite, qui est l’image qu’a l’auteur de son lecteur.