Milli mála - 05.07.2016, Blaðsíða 198
DIDON ET ÉNÉE DANS LE SEIZIÈME SIÈCLE FRANÇAIS
Milli mála 7/2015
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nature très variée, semblent avoir une visée pédagogique. La dédica-
ce du second volume de ses commentaires sur Virgile donne à pen-
ser que ceux-ci étaient en premier lieu destinés à guider un lecteur
de Virgile non affilié à des établissements scolaires et universitaires,
même s’ils pouvaient certainement être utiles à un étudiant appliqué,
désireux de compléter les explications des professeurs.
Hélisenne de Crenne avait donc probablement accès aux com-
mentaires latins, mais, puisqu’il faut croire que la personne que dési-
gnait ce nom de plume était de sexe féminin, la traductrice n’avait
sans doute pas profité de la même éducation que les garçons et les
hommes, qui avaient appris à voir en Énée un modèle, un exemple
littéraire à imiter. Cette différence a peut-être permis à la traductrice
d’interpréter différemment les textes classiques par rapport à ses col-
lègues masculins.
Pourquoi Hélisenne de Crenne a-t-elle donc choisi de faire une
traduction de l’Énéide, après le succès de ses autres livres ? Cette in-
terprétation d’une œuvre classique avait vraisemblablement plusieurs
objectifs : nous allons ci-dessous en analyser quelques-uns.
3. Pourquoi l’Énéide et Didon ?
Dans l’Énéide, Didon, la reine de Carthage, tombe amoureuse
d’Énée. Notons d’emblée que cette reine a en réalité un rôle central
dans l’œuvre entière de Crenne, et en particulier dans son premier
ouvrage, Les Angoysses douloureuses qui procèdent d’amours (1538),
dont la protagoniste, appelée Hélisenne comme l’auteur, raconte sa
propre déception amoureuse. Didon est, avec d’autres héroïnes de la
littérature antique, évoquée dans le texte24. Elle y sert d’exemple à
double tranchant ; une femme à la fois faible et forte. Si, comme Di-
don, Hélisenne est d’abord fidèle à son mari (décédé dans le cas de
Didon, vivant dans le cas d’Hélisenne) et un parangon de vertu, elle
va toutefois, à l’instar de la reine, ensuite succomber à l’amour.
L’hypothèse d’un lien entre Didon et Hélisenne est aussi renforcée
se Bade dont l’objectif principal est de louer la vertu d’Énée, un héros servant
d’exemple à imiter.
24 Hélisenne de Crenne, Les Angoysses douloureuses qui procedent d’amours, 1997
[1538], pp. 222, 243 (Dido) ; 133, 212, 271 (la royne Carthagienne/de Carthage) ;
p. 433 (Elissa).