Milli mála - 05.07.2016, Blaðsíða 199
SARA EHRLING, BRITT-MARIE KARLSSON
Milli mála 7/2015
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par le fait que le nom d’Hélisenne pourrait, comme le suggère Bu-
zon, être le résultat d’une combinaison de différents noms d’héroïnes
antiques25, entre autres celui de Didon, qui portait aussi un autre
nom : Elyssa/Elissa. En tenant compte de ce fond intertextuel, la tra-
duction de l’Énéide pourrait être perçue comme une suite naturelle
des œuvres précédentes et la clé de voûte de l’œuvre de Crenne. Le
choix de traduire les quatre premiers livres est naturel, puisque c’est
dans cette partie que se déroule l’histoire d’amour entre Didon et
Énée.
Rappelons que le premier livre de l’Énéide décrit d’abord le nau-
frage des Troyens en fuite après la chute de leur cité, puis leur arri-
vée à Carthage. Ce naufrage est une conséquence de la colère de la
déesse Junon contre les Troyens. Dans les deux livres suivants, Énée
raconte la chute de Troie, sa fuite avec entre autres son père et son
fils, et leur pérégrination vers l’Italie, où il doit, obéissant aux ordres
des dieux, se rendre pour fonder une nouvelle Troie. Le quatrième
livre relate le séjour d’Énée à Carthage, le sentiment qui s’éveille en
Didon pour ce dernier, et finalement le départ du héros pour l’Italie,
suivi du suicide de Didon qui en résulte.
Ce sont les dieux qui dictent les événements, avant tout Junon,
Jupiter et Vénus, mais on peut pourtant noter que c’est l’être humain,
tiraillé entre son devoir et ses sentiments, qui est au centre du récit.
Cela est vrai aussi bien pour Didon que pour Énée, tous les deux
pouvant être perçus comme le personnage principal de ce début du
poème épique de Virgile26.
25 Voir l’introduction à son édition des Angoysses douloureuses, op. cit., pp. 20-26.
26 La difficulté d’identifier un seul personnage principal dans les premiers livres de
l’Énéide n’est pas exclusivement un phénomène moderne, ce que peut illustrer le
passage suivant d’Augustin Conf. 1. 13, décrivant la réaction du jeune écolier à
l’histoire de Didon et Énée: « Nam utique meliores, quia certiores, erant primae il-
lae litterae, quibus fiebat in me et factum est et habeo illud, ut et legam, si quid
scriptum inuenio, et scribam ipse, si quid uolo, quam illae, quibus tenere cogebar
Aeneae nescio cuius errores oblitus errorum meorum et plorare Didonem mor-
tuam, quia se occidit ab amore, cum interea me ipsum in his a te morientem,
deus, uita mea, siccis oculis ferrem miserrimus.
Quid enim miserius misero non miserante se ipsum et flente Didonis mortem,
quae fiebat amando Aenean, non flente autem mortem suam, quae fiebat non
amando te, deus, lumen cordis mei et panis oris intus animae meae et uirtus ma-
ritans mentem meam et sinum cogitationis meae? » ; Aurelius Augustinus, Confes-
sionum libri XIII, éd. Lucas Verheijen, (= Corpus christianorum. Series Latina, 27)
Tournout : Brepols, 1981. « Plus certaines et meilleures étaient ces premières le-