Milli mála - 05.07.2016, Blaðsíða 132
FRANÇOIS HEENEN
Milli mála 7/2015
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10a) A : « Pourquoi tu ne mʼas pas ouvert la porte tout à lʼheure ? »
10b) B : « Jʼétais sous la douche quand tu as sonné »
Imaginons que le contexte C {soit B lʼa fait exprès soit B ne pouvait
pas ouvrir la porte; si B ne pouvait pas ouvrir la porte je ne me fais
pas de souci} soit mutuellement manifeste à A et B. A sait donc que
B rend manifeste une RS qui est contextualisable dans C, cʼest-à-dire
qui confirmera soit lʼhypothèse {B lʼa fait exprès} soit {B ne pouvait
pas ouvrir la porte}. Admettons quʼil essaie dʼabord de confirmer cet-
te dernière, il cherche une HE de « être sous la douche » qui confir-
me {B ne pouvait pas ouvrir la porte } et son choix tombe forcément
sur {quelquʼun qui est sous la douche est tout mouillé} ou {... est
nu}28.
Jʼai voulu montrer dans cette section que la propriété de consti-
tuer un arrière-plan nʼest pas directement liée à la valeur imperfective
de lʼimparfait mais plutôt à un usage particulier, en lʼoccurrence ce-
lui où il est mutuellement manifeste aux interlocuteurs que les RS ne
sont pas contextualisables dans le contexte le plus accessible29. Cet
28 On ne peut sʼempêcher de comparer ce cas particulier dʼinterprétation dʼénoncé
à lʼimparfait avec lʼexemple de « implicated premises » proposé dans Dan Sperber
et Deirdre Wilson, Relevance : Communication and Cognition, p. 194 : « Peter :
« Would you drive a Mercedes ? » – Mary : « I wouldnʼt drive any expensive car. »
Mary en répondant de la sorte, rend manifeste son intention de faire inférer à Pe-
ter lʼhypothèse encyclopédique {Mercedes is an expensive car} ce qui permettra à
Peter dʼinférer {Mary wouldnʼt drive a Mercedes} et de ressentir ainsi lʼeffet co-
gnitif quʼil avait escompté en combinant cette proposition avec le contexte quʼil
a en tête. On peut dire de la même manière que dans lʼexemple 10ab, « jʼétais
sous la douche quand tu as sonné » rend manifeste lʼintention de A de faire infé-
rer la RS {au moment où jʼai sonné à la porte B est nu et mouillé}, et toutes les
implications qui en découlent, dont la conclusion finale {je ne me fais pas de
soucis}.
29 Un tel lien entre arrière plan et aspect imperfectif est pourtant suggéré dans Pa-
trick Caudal, « The Aspectual Contribution of Tenses and the Semantics/-
Pragmatics Interface », UT Discourse Workshop – 2-5. March 2006, p. 7, version
électronique sur le site https://www.researchgate.net/publication/228741757 (tiré
le 12/01/2016) : « The Imperfective / Perfective Viewpoint Distinction […]: Back-
ground vs. Narration ». Louis de Saussure fait aussi un lien direct entre aspect et
plans du récit, dans Louis de Saussure, « Temporal Reference in Discourse », The
Cambridge Handbook of Pragmatics, éd. par K. Allan et K.M. Jaszczolt, Cambrid-
ge : Cambridge University Press, pp. 423-446, ici p. 435: « a perfective marker en-
tails temporal forward ordering while an imperfective marker entails a back-
ground descriptive representation ».