Milli mála - 05.07.2016, Page 194
DIDON ET ÉNÉE DANS LE SEIZIÈME SIÈCLE FRANÇAIS
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porte la philologie classique pour l’histoire de la réception des textes
de l’Antiquité, notamment ceux de Virgile, s’est intensifié ces derniè-
res années12.
Il est dans ce contexte intéressant de noter que l’emploi du mot
« traduction » relevait d’un usage récent à l’époque de Crenne13 (cette
remarque vaut tout autant pour le verbe « traduire »14, mot remplaçant
avec le temps le terme « translater », également utilisé par Crenne). Sa
version de l’Énéide apparaît en fait pendant une période où la tâche
du traducteur commence à être discutée et réévaluée15. Bien que la
page de titre indique qu’il s’agit d’une « traduction », celle-ci est si li-
bre que les termes de « version » ou d’« adaptation » semblent plus
appropriés16.
et Valérie Worth-Stylianou, « Virgilian Space in Renaissance French Translations
of the Aeneid », dans Virgilian Identities in the French Renaissance, éd. Phillip
John Usher et Isabelle Fernbach, Cambridge : B. S. Brewer, 2012, pp. 117-140.
12 Lorna Hardwick, Reception Studies, Oxford: Oxford University Press, 2003, sert
d’introduction générale aux tendances actuelles de ce champ de la philologie
classique. Craig Kallendorf est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la réception de
Virgile de l’époque de l’Ancien Régime : Craig Kallendorf, The Other Virgil : Pes-
simistic Readings of the Aeneid in Early Modern Culture, Oxford : Oxford Univer-
sity Press, 2007 ; Craig Kallendorf, The Virgilian Tradition : Book History and the
History of Reading in Early Modern Europe, Oxford : Oxford University Press,
2007. Ce dernier ouvrage reprend des articles et des chapitres de Kallendorf pré-
cédemment publiés.
13 Selon Le Nouveau Petit Robert, Paris : Dictionnaires le Robert, 2004, le premier
exemple trouvé en langue française date de 1530. Voir également l’article de Wil-
liam Kemp et Mathilde Thorel sur l’emploi des termes de « traduction » et de
« translation ». William Kemp & Mathilde Thorel, « Edition et traduction à Paris et
à Lyon, 1500-1550: la chose et le mot », Histoire et civilisation du livre - revue in-
ternationale 4/2008, pp. 117-136.
14 Dont le premier exemple date de 1520 selon Le Nouveau Petit Robert. Crenne uti-
lise donc elle-même le terme de « traduction », et aussi le verbe « translater » (Les
Eneydes, dans l’« epistre dedicatoire », f. ã iii ro), plus courant à l’époque.
15 Voir p. ex. Étienne Dolet, La Manière de bien traduire d’une langue en aultre,
d’advantage de la punctuation de la langue françoyse, plus des accents d’ycelle,
Lyon : E. Dolet, 1540.
16 Marshall discute de la traduction comme un type de réception et d’interprétation
(ibid., pp. 24-27). Elle cite Hardwick, qui affirme que la « version » constitue « a
refiguration of a source which is too free and selective to rank as a translation »
(Hardwick, Reception Studies, p. 10, dans Marshall, The Aeneid and the Illusory
Authoress: Truth, fiction and feminism in Hélisenne de Crenne’s Eneydes, pp. 26-
27). Julie Sanders, Adaptation and Appropriation, Londres & New York : Rou-
tledge, 2006, pp. 18-19, établit le rapport entre adaptation, appropriation et inter-
textualité. Rappelant la grande variation qui existe quant aux termes utilisés pour
décrire le processus de recréation à partir d’une œuvre existante : version, varia-
tion, interprétation, transformation, imitation, etc., Sanders constate que le