Milli mála - 05.07.2016, Page 197
SARA EHRLING, BRITT-MARIE KARLSSON
Milli mála 7/2015
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Troie. Cette reine carthaginoise se serait, tout comme la Didon de
l’Énéide, suicidée mais, à la différence de la Didon de Virgile, dont la
mort est provoquée par le départ d’Énée, le suicide de la Didon des
légendes historiques aurait été motivé par le désir d’éviter tout rema-
riage et de rester ainsi fidèle, de par-delà la mort, à son époux décé-
dé.
L’Énéide était une œuvre appréciée par les contemporains de
Virgile, et des commentaires ont tôt été élaborés pour faciliter la lec-
ture et l’interprétation du poème. Les plus connus et utilisés sont
ceux de Servius, datant de la fin du IVe ou du début du Ve siècle. Le
pieux Énée, le pius Aeneas, avec son sang-froid, sa maîtrise de soi et
son attachement au devoir, a longtemps été mis en avant comme un
exemple à suivre dans l’éducation des jeunes hommes. Énée est clai-
rement proposé comme modèle édifiant dans plusieurs des commen-
taires22, ce qui indique que la dimension morale était centrale dans
l’éducation des jeunes hommes dans les écoles et les monastères.
Vers le début du XVIe siècle, le nombre de commentaires sur
l’Énéide a augmenté. Dans la plupart des éditions imprimées de
l’époque, le texte de Virgile est accompagné des commentaires de
Servius. De nombreux éditions comportent également un (ou plu-
sieurs) autre(s) commentaire(s) élaboré(s) pendant la Renaissance. En
ce qui concerne les éditions françaises, il s’agit le plus souvent de
ceux de Josse Bade (aussi dit Josse Badius Ascensius), un imprimeur
flamand dont les commentaires furent imprimés pour la première fois
en 1501 dans une édition de l’Énéide imprimée par sa maison
d’édition parisienne en 150123. Les propos de ce dernier, qui sont de
22 Craig Kallendorf, « Ascensius, Landino, and Virgil: continuity and transformation
in Renaissance commentary », Acta Conventus Neo-Latini Barensis: Proceedings of
the Ninth International Congress of Neo-Latin Studies, éd. J. F. Alcina et al., Tem-
pe, AZ : Medieval & Renaissance Texts and Studies, 1998, pp. 353-360 – réimpri-
mé dans Kallendorf, The Virgilian Tradition : Book History and the History of
Reading in Early Modern Europe – discute dans ce contexte les commentaires de
Josse Bade, et de Aelius Donatus (IVe siècle), qui insistent sur la vertu d’Enée. Ce
héros virgilien a en fait servi d’exemple dans la construction de la masculinité
dès la naissance du texte, voir Alison Keith, Engendering Rome: Women in Latin
Epic, Cambridge : Cambridge University Press, 2000, pp. 8-35.
23 Paul White, Jocodus Badius Ascensius: Commentary, Commerce and Print in the
Renaissance, Oxford : Oxford University Press, 2013, pp. 84-85 ; Craig Kallendorf,
« Ascensius, Landino, and Virgil: continuity and transformation in Renaissance
commentary », p. 335, soulignent la nature épidéictique des commentaires de Jos-