Milli mála - 05.07.2016, Síða 309
QUE RESTE-T-IL DU PERSONNAGE DE FINDUS DANS LES VOIX DE PETTSON ET PICPUS : ÉTUDE
D’UNE TRADUCTION DU SUÉDOIS AU FRANÇAIS
Milli mála 7/2015
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traducteur implicite : la conscience des traducteurs n’est pas né-
cessairement ou exclusivement celle du traducteur réel28.
Cette définition rejoint celle, plus récente, de « multiple translators-
hip »29. Plusieurs auteurs ont montré que dans le cadre de la traduc-
tion de la littérature de jeunesse, il arrive (pour différentes raisons)
que la voix du traducteur prenne le dessus sur toutes les autres mais
particulièrement sur celle du narrateur du texte source30. Une des rai-
sons possibles est que le lecteur implicite de la traduction influence le
traducteur dans son travail31 et joue donc un rôle fondamental dans le
processus de traduction, tout comme le lecteur implicite en a joué un
à la base. Il a été montré que la marge de manœuvre du traducteur de
littérature de jeunesse est plus grande que celle d’un traducteur de lit-
térature « pour adultes »32. Les livres de Sven Nordqvist dans la série
des « Pettson » visent un public de 3 à 7 ans, dans les deux pays. Il est
donc évident que, du moins le plus souvent, « le » lecteur sera en fait
composé de deux personnes. On a un lecteur dédoublé : prototypi-
quement ce sera un lecteur sachant lire (un adulte ou un enfant) et un
enfant à qui on fait la lecture. Donc le lecteur implicite et le lecteur
implicite de la traduction sont des êtres complexes. Le traducteur est
confronté à une virtualité discursive plurielle. Il a le texte source, lui-
même complexe (au minimum un ensemble composé des énoncés du
28 Emer O’Sullivan, Comparative Children's Literature, London : Routledge, 2004, p.
91. Notre traduction.
29 Hanne Jansen et Anna Wegener, « Multiple Translatorship.» dans Authorial and
Editorial Voices in Translation 1 - Collaborative Relationships between Authors,
Translators, and Performers, éds. Hanne Jansen et Anna Wegener, Montréal :
Éditions québécoises de l’œuvre, collection Vita Traductiva, 2013, pp. 1-38.
30 Par exemple Emer O’Sullivan, « Narratology meets Translation Studies, or, The
Voice of the Translator in Children’s Literature », Isabel Pascua-Fables,
« Translating for Children : The Translator’s Voice and Power », Écrire et traduire
pour les enfants, éd. Elena Di Giovanni, Chiara Elefante, et Roberta Pederzoli,
Bruxelles : Peter Lang, 2010, pp. 161-170, ou Lindgren, « He speaks as children
speak: more orality in translations of modern Swedish children’s books into
French? ».
31 Voir par exemple Petros Panaou and Tasoula Tsilimeni, « The Implied Reader of
the Translation », Handbook of Research on Children's and Young Adult, éd. S.
Wolf, K. Coats, P. Enciso et C. Jenkins, Londres : Routledge, 2010, pp. 419-429.
32 Voir l’analyse de Reinbert Tabbert, « Approaches to the Translation of Children’s
Literature », Target 14(2)/2002, pp. 303-351.