Milli mála - 01.06.2014, Blaðsíða 56
LES USAGES STYLISTIQUES DE L’IMPARFAIT
Milli mála 6/2014
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Les points communs des trois analyses
Ces trois analyses ne semblent en principe pas comparables puis-
qu’elles sont basées sur des approches différentes : inactuelle, pro-
cédurale, ou anaphorique. Elles déterminent le sens fondamental de
l’imparfait de façons différentes : « un temps inaccompli certain
non-présent » pour la première, une procédure pour la seconde, un
temps anaphorique méronomique pour la troisième. Néanmoins el-
les présentent des points communs importants que nous allons
mettre en évidence dans ce chapitre. Une première chose est que
toutes les trois relativisent d’une manière générale l’importance de
la valeur temporelle des temps verbaux. Ainsi pour Pierre Le Gof-
fic, « les temps peuvent exprimer le temps, mais ne le signifient
pas » et « il n’est ... pas de tiroir verbal dont il soit évident... que son
signifié serait de localiser dans une chronologie. »38 Louis de Saussu-
re et Bertrand Sthioul partent du principe que la signification d’un
temps est procédurale : « décrire la signification d’un temps verbal
revient à établir la procédure que l’allocutaire applique lorsqu’il in-
terprète un énoncé contenant ce temps. »39 L’imparfait donnerait
donc une procédure pour construire un schéma temporel, mais la
construction même dépendrait des éléments contextuels. Anne-
Marie Berthonneau et Georges Kleiber vont encore plus loin dans
cette remise en question de la valeur temporelle, en affirmant que
les temps grammaticaux n’ont pas comme but de référer à des mo-
ments mais plutôt d’identifier des procès, des états ou des événe-
ments.40
Autre point commun important, les trois approches
s’accordent sur le fait que le sens de l’imparfait comporte un ou
plusieurs éléments à déterminer. Ces éléments sont, dans la théorie
de Pierre Le Goffic, un monde inaccessible à partir du moi-ici-
maintenant, dans celle de Louis de Saussure et Bertrand Sthioul ce
38 Voir les deux citations dans Le Goffic, « La double incomplétude de l’imparfait », pp. 145–
146.
39 Voir Saussure et Sthioul, « Imparfait et enrichissement pragmatique », p. 105.
40 Voir Berthonneau et Kleiber, « Pour une nouvelle approche de l’imparfait. L’imparfait, un
temps anaphorique méronomique », p. 66.