Milli mála - 01.06.2014, Blaðsíða 108
INSCRIPTIONS DU POLITIQUE CHEZ HELENE CIXOUS
Milli mála 6/2014
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re et politique ne se limite pas aux supposées antinomies « art pour
l’art » et « littérature engagée ». Chez Rancière l’expression
« politique de la littérature » implique que la littérature fait de la po-
litique en tant que littérature. Elle présume, comme il l’écrit dans
Politique de la littérature, « qu’il n’y pas à se demander si les écrivains
doivent faire de la politique ou se consacrer plutôt à la pureté de
leur art, mais que cette pureté même a à voir avec la politique. Elle
suppose qu’il y a un lien essentiel entre la politique comme forme
spécifique de la pratique collective et la littérature comme pratique
définie de l’art d’écrire ».11 La littérature « intervient » donc en tant
que littérature dans un espace où il va de ce qui fait le « commun
d’une communauté » défini par un « partage du sensible » qui établit
entre littérature et politique un rapport d’appartenance essentielle.
Dans l’œuvre de Cixous, il y a toujours une réflexion politique et
un engagement. Il n’existe pas un seul de ses textes de fiction qui ne
résonne pas des échos de l’histoire du monde – ou, pour le dire
dans ses mots : « Je suis née politique, en un sens, et c’est même
pour des raisons politiques que j’ai commencé à écrire de la poésie,
comme une réponse à la tragédie politique. » 12 De la même façon,
ce qui est en question n’est pas seulement la représentation de
l’inscription d’une problématique éthico-politique, mais aussi la
question de ce qui peut être appelé action : pour Cixous, les actions
littéraires sont des actions qui ont une force de transformation, une
force d’affirmation politique, et une force révolutionnaire. Elle affir-
me : « Les écrivains qui sont conscients sont des gardiens, pas seu-
lement de la res publica, du bien commun, qui n’est qu’un des aspects
de leur travail, mais par-dessus tout – c’est leur rôle, c’est leur mis-
sion – ils sont les gardiens du langage, c’est-à-dire de la richesse du
langage, de sa liberté, de son étrangeté. » 13 Pour Cixous, il y a des
façons d’écrire le français qui sont des façons d’écrire un « bon »
français, un français correct en établissant des frontières et en dé-
fendant à tout prix la nationalité et le nationalisme français. Il y a,
d’un autre côté, des façons de « dégrammaticaliser » ou d’
11 Jacques Rancière, Politiques de la littérature, Paris : Galilée, 2007, p. 11.
12 O’Grady, « Guardian of language: an interview with Hélène Cixous ».
13 Ibid.