Milli mála - 01.06.2014, Blaðsíða 118
INSCRIPTIONS DU POLITIQUE CHEZ HELENE CIXOUS
Milli mála 6/2014
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trouver la place de la femme dans l’Histoire dont elle avait été ex-
clue. Elle dit être « sortie de [sa] terre » à cause « des agressions
idéologiques toutes d’intolérance ». Elle a choisi d’utiliser le terme
« féminin » tout en lui préférant le concept « différence sexuelle,
parce que la femme comme le féminin étaient (comme ils le sont
encore aujourd’hui quoique différemment) systématiquement
« expulsés » de la scène historique et socio-politique. Il ne s’agissait
pas seulement pour elle de faire entrer ou mettre en scène le fémi-
nin mais plus encore de faire qu’il fasse sa scène, son théâtre, son
autre monde. Bien que ce geste ait été politique et peut-être même
« militant », il rappelle le travail qu’elle fait dans son écriture poéti-
que (qui est sa « terre » d’élection) pour inscrire les marques du fé-
minin dans le langage. La pensée sur l’écriture féminine, sur le rap-
port des femmes à l’écriture, s’élargit chez Hélène Cixous à un
questionnement de la différence sexuelle tant dans le domaine litté-
raire, intellectuel et politique. L’écriture féminine est « à la fois une
théorisation et une expérimentation », comme le note Françoise van
Rossum Guyon dans Le cœur critique.60 Pour Cixous, l’écriture fémi-
nine travaille la différence ; elle mine la logique patriarcale dominan-
te, défait les oppositions binaires et dynamise le jeu libre du signi-
fiant. Dans La Jeune Née, elle souligne d’abord l’impossibilité de la
définir pour, ensuite, en donner une définition dont les linéaments
demeurent pourtant vagues :
Impossible à présent de définir une pratique féminine de l’écriture, d’une
impossibilité qui se maintiendra car on ne pourra jamais théoriser cette
pratique, l’enfermer, la coder, ce qui ne signifie pas qu’elle n’existe pas.
Mais elle excèdera toujours le discours qui régit le système phallocentri-
que ; elle a et aura lieu ailleurs que dans les territoires subordonnés à la
domination philosophique-théorique. Mais on peut commencer à parler.
la « femme » (qui est, d’après Kristeva, plus une instance qu’un sexe) ont en commun leur
marginalité ; la « femme » étant marginalisée par la patriarchie, et le sémiotique par la structu-
re symbolique du langage. D’après Julia Kristeva, il n’y a pas de différence féminine essentiel-
le dans le langage. Mais la position marginale des femmes dans l’ordre symbolique peut éven-
tuellement, dit-elle, les rapprocher de l’énergie pré-linguistique. Celle ci est subversive et cor-
porelle et fait pression sur le pouvoir et le langage symbolique. Voir Julia Kristeva, « La
femme, ce n’est jamais ça », Tel Quel 59 (automne)/1974.
60 François van Rossum-Guyon, Le cœur critique, Butor, Simon, Kristeva, Cixous, Amsterdam : Ro-
dopi, 1997, p. 154.